Rémo Gary

Rémo Gary enflamme le festival !

Chansons de parole à Barjac

Rémo Gary était attendu. Mais personne n'imaginait que son chant toucherait si vivement au plus profond de chacun. Il a quitté la scène sous une ovation qui restera l'une des images fortes de cette édition 2006 de Chansons de Parole. Contraste d'un homme modeste et d'une chanson géante, Rémo Gary sera pour longtemps l'oriflamme d'une chanson fiévreuse, gorgée de paroles, enivrante et belle.

Chansons de parole à Barjac : Rémo Gary enflamme le festival !

C'est un type tout frêle, tout simple, les ongles rongés, les mains sagement croisées dans le dos, comme quand il était à la communale, sans doute, à chanter la Marseillaise, à réciter Victor Hugo. Sa tignasse est en hiver déjà mais son cœur s'obstine au printemps, avec montée de sèves. Si le titre Chansons de Parole a vu le jour un jour, ça ne peut être que pour lui, que par lui, taillé à son art, ajusté à son talent. Ce R.G. de la chanson est adepte, sinon d'une ligne claire, au moins d'un tracé lumineux.

Gary rend leur intelligence aux mots, retrouve leur instinct. Ils les lance tous, qui prennent leur logique chemin. Rien n'est gratuit en lui, chaque mot pèse son poids, même s'il est de pure légèreté, comme un vent complice qui caresse votre échine, qui madame épouse votre anatomie. Gary aime l'entrechoc des mots, leur pur hymen. Qui ainsi, tel un Leprest, savent faire revivre "les souvenirs qui brocantent la mémoire". Il sait surtout, c'est exemplaire, dire la dignité de l'homme, ses petitesses aussi, listant les heurts et malheurs de ce bas, ce très bas monde - castagnes ordinaires et secousses planétaires - qui ne tourne pas vraiment rond. "Malgré tout ça, on n'est même pas foutus d'être heureux, tous les deux, y'a des coups d'pied au coeur qui s'perdent".

Tout en Rémo Gary nous surprend, nous séduit, nous interpelle, tout ? Que ce soit son Chemin des bosses ou cette chansons marathon sur les mains (celles calleuses de l'ouvrier comme la féminine pogne qui besogne l'homme) tout est bon qui fait miel de notre langue, qui juxtapose le verbe et en tire un nectar inédit. Crescendo, quasi à l'insu d'un artiste trop modeste, le public s'est emparé de Rémo Gary. Jusqu'à la fin et plus encore, jusqu'à ces Oiseaux de Passage de Richepin, en partie chantés par Brassens. En partie seulement car Gary nous a offert l'original, l'intégral, la somme. Trop grand, trop...

Comment vous dire l'émotion, comment vous dire toute une salle, tout un festival, qui plus est de Barjac, qui fait adhésion, ovation, qui fait corps avec l'artiste. Comment vous dire ce moment forcément rare, d'anthologie, qui fait d'un presque inconnu l'un des plus dignes représentants de la chanson de parole chère en ce lieu. Comment dire l'amour immodéré, violent et sincère, d'un public énorme, surnuméraire, comment par quelques lignes vous dire l'incroyable triomphe de Rémo Gary. Comment vous dire des spectateurs en larmes, des collègues en chanson aussi, heureux que leur art connaisse si beau représentant. Au succès de Rémo Gary, associons celui de son historique pianiste Joël Clément, et de Clélia Bressat-Blum, sa multi instrumentiste. Qui doivent être fiers de servir tel artiste.

Michel KEMPER