Rémo Gary

Paroles

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A nos moments trouvés 

Travailler du chapeau

Soit que j’écrive un peu pointu
Que je me creuse un peu la bête
Que je chante turlututu
Sans me mettre martel en tête
En menuisier de l’écriture
Comme un rabot fait des ratures
Mes idées feront des copeaux
Sous mon chapeau...

Il s’en passe tant là-dessous
Tant de boulons s’y déboulonnent
Tant de bulles s’y déballonnent
Tant de fantasmes y sont dissous
Mais si rêver n’est pas un mythe
Je sais que pareil aux marmites
L’amour est au fond des vieux pots
Dans les chapeaux...

Si je porte un soir de débine
Le grand bicorne du cocu
Si j’ai le chapeau dans le cul
Si y a plus que lui qui turbine
J’irai me soigner la caboche
Aux jeux de mots, aux jeux de mioches
Sur le divan de l’Oulipo
Sans mon chapeau...

A chaque chef son étui
A chaque histoire son couvercle
A chaque galurin son cercle
Bonnet phrygien, bonnet de nuit
Chaque époque eut son patrimoine
Si capuche ne fit pas moine
On repérait la Gestapo
A son chapeau...

Ils sont utilement convexes
Pour protéger de l’eau du ciel
Et quand il pleut sur les voyelles
Ils sont parfaitement circonflexes
Têtes de flic ou chapeaux claques
Képis, calots ou têtes à claques
Je ne prends pas tout le troupeau
Sous mon chapeau...

Pour que le monde soit joli
Vous le choisirez plutôt large
En tout il faut garder des marges
Des passages pour la folie
Sans masque, sans triche, sans voile
La cervelle dans les étoiles
Arborez-le comme un drapeau
Votre chapeau...

Paroles : Rémo Gary
Musique : Hervé Suhubiette

Balai de crin

Je sais de quel plaisir on m’a conçu
Je connais du bonheur un aperçu
J’aime l’odeur des draps après la nuit
L’haleine du goudron après la pluie
J’ai traversé déjà, j’ai répété
Soixante fois l’enfance, autant d’étés
Mais qui je voudrais être
A quelle fenêtre
Rechoisir de naître, j’en sais rien

Six fois dix ans déjà, ça n’est pas rien
Soixante balais de peau, balais de crin
Moi, qui je voudrais être, j’en sais rien 

J’aime nos rendez-vous, nos croisements
Nos caresses, nos embarrassements
L’amour qu’entre nos doigts, nos mains, l’on chambre
Et qu’on siffle au comptoir de notre chambre
J’aime à croire qu’on ne mourra jamais
J’aime tant te dire oui, mieux que oui mais
Mais qui je voudrais être
A quelle fenêtre
Rechoisir de naître, j’en sais rien

Six fois dix ans déjà, ça n’est pas rien
Soixante balais de peau, balais de crin
Moi, qui je voudrais être, j’en sais rien 

J’aime tant quand de ma bouche grenat
Tu viens déverrouiller le cadenas
Avec tes yeux brillants comme escarboucle
Qui promettent mille baisers en boucle
J’aime notre mélange, notre vacarme
La salive de l’eau, le sel des larmes

Mais qui je voudrais être
A quelle fenêtre
Rechoisir de naître, j’en sais rien
Six fois dix ans déjà, ça n’est pas rien
Soixante balais de peau, balais de crin
Moi, qui je voudrais être, j’en sais rien 

Paroles : Rémo Gary
Musique : Romain Didier

Simone

Le jour mouche ses kilowatts
Tes yeux vont fermer leurs volets
T’as mis la viande sous la ouate
La nuit fera bouillir ton lait
Servi tout chaud demain matin
Tes pensées mettent des patins

Simone, je souffle ton ampoule
Te v’là dans les draps de Morphée
On a passé l’heure des poules
Même si c’est du réchauffé
Tu es bien la preuve par l’œuf
Qu’on peut refaire le monde à neuf

Demain aura toujours raison
Même si la nuit prend son temps
Qu’elle fait les quatre saisons
Qui vont du printemps au printemps
L’aube finira pas venir
Mais pour l’instant: « Il faut dormir »

Simone, quand tu dormiras
Tous tes moutons seront comptés
Charognards, corbeaux et rats
Tous les monstres seront domptés
Ceux qui passent leur vie, bouffant
Les rêves ébauchés des enfants

Je vais tout repeindre à zéro
Refaire l’image des miroirs
Tout changer dans le numéro
Vider les tréfonds de tiroir
Où l’on trouve les parchemins
Des géomètres de demain

Simone, pendant ton sommeil
Je vais relire,  je vais revoir
La philosophe Simone Weil
La Signoret, la de Beauvoir
Où elles sont, nées de ces temps
Où sont les Simone d’antan

Leurs mots monteront des abîmes
Les puits te diront des peut-être
C’est promis, les douleurs, les crimes
S’échapperont par les fenêtres
Pour ne plus revenir jamais
Tu n’auras que des mois de Mai

Simone j’aperçois le bonheur
Le bonheur et tout c’qui s’ensuit
Je vois venir le ramoneur
Qui ramone les ciels de suie
Voilà le jour qui vient naissant
La lune a fini son croissant

Simone, il faut te lever
Maintenant que tout se déchire
L’abcès du malheur est crevé
Le soleil donne à réfléchir
Ouvre de tes yeux les volets
Et tu peux boire ton bol de lait

Paroles : Rémo Gary
Musique et arrangement : Jeanne Garraud

Au long du chemin  

Au long du chemin qu’embaumaient les roses
Brillant au soleil par un clair matin
J’ai vu se flétrir les plus belles choses
Au long du chemin

Au long du chemin j’ai vu la pervenche
Qu’ouvrait du printemps l’invisible main
Fermer ses yeux bleus sous la neige blanche
Au long du chemin

Au long du chemin j’ai vu l’hirondelle
Monter vers l’azur, vers l’azur sans fin
Et l’ouragan fou déchirer son aile
Au long du chemin

Au long du chemin j’ai vu les ramures
Aux souffles d’avril verdoyer soudain
Et le gel brutal glacer leurs murmures
Au long du chemin

Au long du chemin, dans le blé qui lève
J’ai vu pour le monde un espoir de pain
Et le feu du ciel mutiler mon rêve
Au long du chemin

Alors j’ai compris, sortilège infâme
La fragilité du bonheur humain
Et j’ai sangloté de toute mon âme
Au long du chemin

Au long du chemin qu’embaumaient les roses
Brillant au soleil par un clair matin
J’ai vu se flétrir les plus belles choses
Au long du chemin

Paroles : Eugène Bizeau
Musique : Jeanne Garraud

Quand le monde aura du talent

Là où tes jambes finissent
Là où se touchent tes cuisses
Là où je m’endors en rond
Comme un chat comme un miron
Là où des mains se caressent
Dans le sens de la tendresse
Dans ton milieu, ton mitan
Je voudrais dormir cent ans

Je demande pas grand-chose,
Attendre que tout se pose
Réveillez-moi juste quand
Le monde aura du talent

Là où tes jambes finissent
Là où s’accouplent tes cuisses
Où je pose mes moustaches
Là où j’ai mon point d’attache
Là où je perds mon latin
Dans tes douceurs de lapin
Dans ton milieu, ton mitan
Je voudrais dormir cent ans

Je n’veux plus qu’on me dérange
Avant que l’homme s’arrange
Réveillez-moi juste quand
Le monde aura du talent

Là où tes jambes finissent
Là où sont cousues tes cuisses
Où mon aiguille a son chas
Où je suis comme un pacha
Là où je joue au bouchon
Là où je joue au cochon
Dans ton milieu, ton mitan
Je voudrais dormir cent ans

Petite mort légère,
Mon cerveau c’est de la terre
Réveillez-moi juste quand
Le monde aura du talent

Là où tes jambes finissent
Là où se concluent tes cuisses
Là où je promets, je jure
Là où ça frise l’injure
Là où j’atterris, je plane
Où se fiancent tes cannes
Dans ton milieu, ton mitan
Je voudrais dormir cent ans

J’ai rencontré une amie,
Mon cap est sur l’infini
Réveillez-moi juste quand
Le monde aura du talent

Paroles et Musique : Rémo Gary
Piano et arrangement : Joël Clément

A nos moments trouvés

A nos moments trouvés
Il n’y a plus de colère
Ni honte, ni mystère
Ni de cœurs entravés
Plus rien qui nous chagrine
Ni malheurs qui crachinent
Dans nos yeux délavés
A nos moments trouvés

A nos moments trouvés
Des treize à la douzaine
Y’a des fins de semaine
Y’a des fonds de cuvées
Qui ressemblent aux débuts
Tout est bon, tout est bu
Mais tout peut arriver
A nos moments trouvés

A nos moments trouvés
On baisse enfin la garde
L’amour on se le garde
Puisqu’on l’a chouravé
Dans un siècle et un jour
On s’appartient toujours
Nos bonheurs sont rivés
A nos moments trouvés

A nos moments trouvés
Voilà que ça nous change
Voilà que tout s’arrange
Le peuple est soulevé
On gagne un coup de mieux
Les hommes vivent vieux
A battre le pavé
A nos moments trouvés

A nos moments trouvés
Quand tout devient lipide
Quand tout devient limpide
Allez-y revivez
Après maintes raponces
On pose des réponses
Qu’on vote à poings levés
A nos moments trouvés

A nos moments trouvés
On est de même enseigne
Un même bain nous baigne
La misère est lavée
Ni tribun, ni busard
Ni vautour, ni César
Ni sauveur, ni sauvé
A nos moments trouvés

A nos moments trouvés
Plus besoin de boussole
Vive le droit du sol
Tout est désenclavé
En un mot comme en cent
On abolit le sang
Le monde est achevé
A nos moments trouvés

Qu’on trouve par hasard
S’ouvre le grand bazar
Des plaisirs archivés
Tout est beau, tout est souple
On s’assemble, on s’accouple
A nos moments trouvés
Tout interdit levé

Paroles : Rémo Gary
Musique : Hervé Suhubiette

Dors, mon amour  

Les tueurs de bœufs et les tueurs d’hommes
Ont posé maillets, haches et couteaux
Tombe le brouillard sur le bois d’Argonne
Les verrous tirés, on est bien au chaud

Dors, mon amour, dors, mon amour
Les méchants sont loin
Dors, mon amour, dors, mon amour
Les cailloux blancs sont semés sur le chemin

Tu n’as plus de faim, tu n’as plus d’angoisse
Monte dans le rêve au-dessus des toits 
Ton lit est nuage à travers l’espace
Voyage, voyage : le ciel est à toi

Dors, mon amour, dors, mon amour
Les méchants sont loin
Dors, mon amour, dors, mon amour
Les cailloux blancs sont semés sur le chemin

Canards bruns et verts dorment sur le fleuve
Sent bon la lavande au creux de tes draps
Au matin, ta vie sera comme neuve
L’odeur du pain chaud te réveillera

Dors, mon amour, dors, mon amour
Les méchants sont loin
Dors, mon amour, dors, mon amour
Au jour, il sera bien temps de t’en aller
Si tu veux toujours me quitter

Paroles et musique : Jacques Debronckart
Avec l’aimable autorisation de Camino Verde

Aujourd’hui foutez-nous la paix

On voit gicler de la groseille
Du raisin, du jus de soldat
A chaque morsure d’abeille
A chaque pruneau, chaque éclat
L’arrosoir, la machine à poudre
Fait sa couture au barbelé
Comme la machine à découdre
A piqué autant d’épilés
Que de vrais poilus, s’il vous plaît
Aujourd’hui foutez-nous la paix

Assez des sombres clarinettes
Qui plantent leurs notes d’acier
Les ventres pour ces baïonnettes
Sont des boyaux à tricoter
Le masque comme un groin sur la bouche
Leur fait des têtes de cochon
La tombe est faite, le corps se couche
Les gaz montent au cabochon
Comme la moutarde, s’il vous plaît
Aujourd’hui foutez-nous la paix

Plus de victoires sur des ruines
Plus jamais de galon gagné
Sur les vestes plus de sardine
Plus de boucherie célébrée
Deux bons gros millions de bonshommes
Morts, et deux fois plus de blessés
Verdun et la Marne et la Somme
Plus de six obus balancés
Au mètre carré, s’il vous plaît
Aujourd’hui foutez-nous la paix

Que ces mots-là on les supprime
Bleusaille, artiflot, purotin
Que ces gens-là on les périme
Nivelle, Mangin ou Pétain
Nivelle qui écrit et qui signe
Qu’il faut finir avant le blanc
Tout le sang noir de nos lignes
C’est normal, ça n’est que du sang
De sénégalais, s’il vous plaît
Aujourd’hui foutez-nous la paix        

Si d’aventure ils fraternisent
Ces poilus, qu’ils se mettent en grève
Le chant de Craonne est de mise
Qui dit son appel à la trêve
Les généraux, les sanguinaires
Fusillent ces petits troupiers
Payez de votre peau la guerre
Les pauvres sont faits pour aimer
Messieurs les riches, s’il vous plaît
Aujourd’hui foutez-nous la paix

S’ils l’ont chantée cette rengaine
Les pioupious qui ont survécu
L’horreur a repris de la graine
Et le siècle en est revenu
La mort à déroulé, perfide
A petits massacres comptés
A grands coups, à grands génocides
Son torchon jusque sous nos pieds
Une fois pour toutes, s’il vous plaît
Maintenant foutez-nous la paix

Paroles : Rémo Gary
Musique : François Forestier

Chanchon

Si j’étais roi de quelque endroit
Tout mon peuple serait ivrogne
Car je punirais sans vergogne
Les ceuss qui marcheraient tout droit

J’aurais des ministres suaves
Chargés tout naturellement
De l’unique département
De mes cuisines et de mes caves

Des vignerons, point de soldats
La seule et superbe consigne
Etant de cultiver la vigne
Aux quatre coins de mes Etats

Le palais de ma seigneurie
Seraient de vastes cabarets
Mille tonneaux de vin clairet
Ma pacifique artillerie

Je ne porterais sur mon front
Aucune pesante couronne
Mais de rouges pampres d’automne
Et des grappes de raisins blonds

J’aurais pour trône une futaille
Pour sceptre un verre et même deux
Une bouteille de vin vieux
Serait mon sabre de bataille

Que si manquions de raisins
Mon peuple et moi ferions la guerre
Et je nous vois armés d’un verre
Allant boire chez nos voisins

Que si manquions de raisins
Mon peuple et moi ferions la guerre
Et je nous vois armés d’un verre
Allant boire chez nos voisins

Paroles : Raoul Ponchon
Musique et arrangement : Jeanne Garraud

Si le corps t’en dit

Ce sera en plein jour, ou de nuit, c’est pareil
Tous les deux on saura raviver l’incendie
Je parlerai l’argot qu’on se dit à l’oreille
On se rencardera, si le corps t’en dit

Je te raconterai de quel pays je t’aime
Où, soit dit entre nous, rien nous est interdit
Tu seras mon tabou, je serai ton totem
On s’abusera bien, si le corps t’en dit

J’aurai pour tes cheveux, quelque caresse à coudre
Le temps tout doucement nous a agourmandis
Sur le blé de ta peau que de plaisir à moudre
Je viendrai en croquer, si le corps t’en dit

Je chercherai des mots, des paroles enfantines
Pour te causer d’amour un discours inédit
Je t’aime à tous les coups, ramène sa routine
Moi, je t’amourerai, si le corps t’en dit

On se rappellera de quel bois on se brûle
Les fièvres, les ardeurs qui nous ont achaudis
Dans quel sang nos désirs, nos émotions circulent
Et on s’embrasera, si le corps t’en dit

Je te rechanterai ce que Cyrano chante
"Qu’une robe est passée grâce à toi dans ma vie"
On n’attendra pas trop que notre envie s’évente
On s’abandonnera, si le corps t’en dit

Et si rien ne te dit, ni le corps ni le reste
Parce que c’est un jour où tout est engourdi
Je te dirai merci pour la beauté du geste
Je reviendrai plus tard, si le corps t’en dit

Pour te parler l’argot qu’on se dit à l’oreille
Je suis sûr qu’on saura raviver l’incendie
Ce sera en plein jour, ou de nuit, c’est pareil
On se rencardera, si le corps t’en dit
Si le corps t’en dit

Paroles et musique : Rémo Gary
Piano et Arrangement : Joël Clément

Fonds de miroir

Du bruit qui pense

Des tambours en peau d’éléphant
Des cuivres en trompes d’olifants
Et des petits pianos d’enfants
Dans la timbale universelle
Le chant de l’eau, le chant du sel
Le bouillonnement des crécelles

Ça fait les oreilles repues
Et ça dispense
Du bonheur, ça vous distribue
Du bruit qui pense
Du bonheur, ça vous distribue
Duq bruit qui pense

Petite musique de jour
Les violons grattent du velours
Le piccolo parle d’amour
Petite musique d’ennui
Et les mots sortent des étuis
Brisant le silence et la nuit

Ça fait des oreilles comblées
Ça ensemence
Comme on sème à tout vent du blé
Du bruit qui pense
Comme on sème à tout vent du blé
Du bruit qui pense

Voilà l’orchestre au grand couplet
L’artiste jouera s’il vous plaît
Les trois pièces de son complet
Voilà les queues de pies qui jasent
On improvise quelques phrases
Ça piaffe dans les becs de jazz

Ça fait les oreilles ravies
C’est d’évidence
Quand le musicien joue sa vie
Du bruit qui pense
Quand le musicien joue sa vie
Du bruit qui pense

On entend sonner les grillons
On écorne les pavillons
On n’abreuve plus les sillons
C’est un pacifique vacarme
On tire du bonheur, des larmes
Le tambour a rendu ses armes

C’est, quand la paix est déclarée
Et que la danse
Remplace le pas cadencé
Du bruit qui pense
Remplace le pas cadencé
Du bruit qui pense

Écoutez l’oeuvre originale
La nouvelle internationale
Qui s’accorde dans la finale
Ça vous distille avec les mains
De la tendresse, de l’humain
Ça vous chante des lendemains

Qui font les oreilles éclairées
Et qui dispensent
Des musiques d’humanité
Du bruit qui pense
Des musiques d’humanité
Du bruit qui pense

Paroles : Rémo Gary
Musique : Romain Didier

La lettre

Je t’écris, et la lampe écoute.
L’horloge attend à petits coups
Je vais fermer les yeux sans doute
Et je vais m’endormir de nous
La lampe est douce et j’ai la fièvre
On n’entend que ta voix, ta voix
J’ai ton nom qui rie sur ma lèvre
Et ta caresse est dans mes doigts


Je t’écris, et la lampe écoute
?L’horloge attend à petits coups
Je vais fermer les yeux sans doute
Et je vais m’endormir de nous
J’ai notre douceur de naguère
Ton pauvre cœur sanglote en moi
Moitié rêvant, je ne sais guère
Si c’est moi qui t’écris, ou toi

Je t’écris, et la lampe écoute
L’horloge attend à petits coups
Je vais fermer les yeux sans doute
Et je vais m’endormir de nous
La lampe est douce et j’ai la fièvre
On n’entend que ta voix, ta voix
J’ai ton nom qui rie sur ma lèvre
Et ta caresse est dans mes doigts

Paroles : Henri Barbusse
Musique : Rémo Gary

Passages

L’écume de l’avion dans l’océan du ciel
La piste de l’abeille qui rapporte son miel
La blessure du labour après le labourage
Je garde les plus beaux passages
Je garde les plus beaux passages

Dans les peaux de chagrin, malgré tous les tourments
Dans les plaisirs d’amour qui ne durent qu’un moment
Des jours où l’on a mis tout son corps à l’ouvrage
Je garde les plus beaux passages
Je garde les plus beaux passages

Le vin dans les gosiers, et l’eau dans les écluses
Le vent dans les moulins, les feux de Syracuse
Des chansons qui vous font voyager des voyages
Je garde les plus beaux passages
Je garde les plus beaux passages

Des hommes migrateurs et des oiseaux migrants
Des traboules où s se perdent les pas des résistants
De l’histoire dans le mur, de l’avenir en cage 
Je garde les plus beaux passages
Je garde les plus beaux passages

Des chansons qui se traînent dans ma tête de loup
Avec leurs hisse et ho, le bonheur des marlous
La pudeur des marins pour chanter les naufrages
Je garde les plus beaux passages
Je garde les plus beaux passages

Des trous dans les montagnes et dans les habitudes
Des trous pour nos idées, pour nos incertitudes
De l’espace trouvé pour gagner le rivage
Je garde les plus beaux passages
Je garde les plus beaux passages

Des enfants qui s’en viennent par le delta des hanches
Des anciens qui s’en vont, par le détroit des planches
Entre les deux la vie qui fait son remplissage
Je garde les plus beaux passages
Je garde les plus beaux passages

Paroles : Rémo Gary
Musique : Clément Grand

Partisan

Ce matin mon regard a vidé ses nuages
L’orage était salé, et pourtant je l’ai bu
Je m’étais engueulé la veille avec ton âge
Et la bonde a lâché ses chiens sur ma tribu

Comment laisser brûler jusqu’au bout la camoufle
Envisager tes yeux jusqu’au dernier moment
Trouver le nom du vent de ton tout dernier souffle
Le dernier chant qu’on peut, l’ultime bégaiement

Les murs ont des oreilles, lorsque l’angoisse ronge
Tout cause bien trop haut, tout parle bien trop fort
La mort est un complot, la fatigue un mensonge
Je suis le partisan de ton dernier effort

Et ce temps retrouvé nous devient inutile
Comment tenir encore, quand le corps n’y est plus
Les mots ne sortent pas, et tout devient futile
Pourquoi laisser pleuvoir, il a déjà tant plu

On se tient pas trop loin, tu peux t’en aller vite
Claquer entre nos doigts ou glisser dans nos mains
Quels yeux entameront nos prochaines visites
De quel matin sera fait notre lendemain

L’embuscade est en place depuis tant de semaines
Venez les francs-tireurs, approchez les renforts
A quand le dénouement d’une attaque soudaine
Je suis le partisan de ton dernier effort

On donnera tout de toi ton ardeur à la science
Ton cœur à la poussière, à la terre ton corps
Après je donnerai ce chant à l’insouciance
Je suis le partisan de ton dernier effort

Le feu est trop petit qui doucement t’emporte
Et le droit de choisir la vie qu’on a voulu
De soi-même fermer la lumière et la porte
Qui peut te l’accorder, il a déjà trop plu

On donnera tout de toi ton ardeur à la science
Ton cœur à la poussière, à la terre ton corps
Après je donnerai ce chant à l’insouciance
Je suis le partisan de ton dernier effort

Paroles :  Rémo Gary
Musique : Jeanne Garraud

Tu vas rire

Tu vas rire
Je regrette même nos bagarres
Tu vas rire
Les assiettes qui volaient me manquent
Tu vas rire
Je me suis remis à la guitare
Tu vas rire
J’ai tatoué un soleil sur mon ventre

Tu vas rire
Je me fais de la grande cuisine
Tu vas rire
Des perdreaux flambés fine champagne
Tu vas rire
J’ai dévoré « Les Deux orphelines »
Tu vas rire
Je ne m’habille plus je vis en pagne

Tu vas rire
J’ai fait poser des doubles fenêtres
Tu vas rire
J’ai fait débrancher le téléphone
Tu vas rire
J’ai mis la télé en mille miettes
Tu vas rire
Un jour qu’elle était vraiment trop conne

Tu vas rire
J’ai voulu coucher avec Yvonne
Tu vas rire
Je lui fais un cinéma terrible
Tu vas rire
Une fois dans le lit plus personne
Tu vas rire
Elle l’a très mal pris c’était horrible
Tu vas rire
Un CRS touché par la grâce
Tu vas rire
M’a vendu trois grenades offensives
Tu vas rire
Si mon propriétaire me menace
Tu vas rire
J’ai pour lui un beau feu d’artifice

Fais-moi rire
Que fais-tu depuis que tu es libre
Fais-moi rire
Est-ce que tu as gagné à la roulette
Fais-moi rire
Les as-tu tes amants Messaline
Fais-moi rire
Les fais-tu ramper sur ta moquette

Tu vas rire
Je t’écris sans vouloir de réponse
Tu vas rire
Je brûle tout, lettres et télégrammes
Tu vas rire
Salue pour moi Oscar et Alphonse
Je vous prie d’agréer chère Madame…

Paroles et musique : Jacques Debronckart
Avec l’aimable autorisation de Camino Verde

Obsession

Des talons jusqu'aux cheveux
J'emprisonne dans mes vœux
Toutes celles que je veux
Des inconnues
Sous leurs jupes empesées
Mes rêves inapaisés
Glissent de sournois baisers
Vers leur peau nue
Je déshabille leurs seins
Mes caresses par essaims
S'ébattent sur les coussins
De leurs poitrines
Je me vautre sur leurs flancs
Ivre du parfum troublant
Qui monte des ventres blancs
Vers mes narines
Doux, je promène ma main
Aux rondeurs du marbre humain
Et j'y cherche le chemin
Où vont mes lèvres
Ma bouche en fouille les plis
Et sur les torses polis
Buvant les divins oublis
J'endors mes fièvres

Ma bouche en fouille les plis
Et sur les torses polis
Buvant les divins oublis
J'endors mes fièvres


Paroles : Edmond Haraucourt
Musique : Laurent Rualten

A quoi ça ressemble

A quoi ça ressemble chez nous
A quoi ça ressemble chez toi
L’avenir est sur les genoux
Le ciel est par-dessous les toits
Dessous les toits
Dessous les toits

A quoi ça ressemble à Gaza
La réponse vient d’un enfant
Ici, c’est comme un éléphant
Dans un magasin de balsa
De balsa
De balsa

Vois, j’en mets mon cœur à couper
Vois mon chagrin fait de l’abonde
A quoi ça ressemble le monde
C’est un territoire occupé
Occupé
Occupé

Chez nos voisins de Tombouctou 
A quoi ça ressemble chez eux
Les enfants crèvent dans leurs œufs
Et la mer est morte partout
Morte partout
Morte partout

A quoi ça ressemble à Paris
La réponse vient d’un migrant
Ici c’est un peu la Syrie
Là-bas c’est que du bataclan
Du bataclan
Du bataclan

Vois, j’en mets mon cœur à couper
Vois mon chagrin fait de l’abonde
A quoi ça ressemble le monde
C’est un territoire occupé
Occupé
Occupé

Dans nos rues, à quoi ça ressemble
Voilà qu’on doit se mettre au pas
Sous le drapeau, on nous rassemble
Mais dans ce nous, je n’y suis pas
Je n’y suis pas
Je n’y suis pas

Vous dites que le rêve est mort
Vous déclarez nous sommes en guerre
Mais c’est vous qui faites les guerres
Ce sont vos guerres, ce sont nos morts
Ce sont nos morts
No more

Vois, j’en mets mon cœur à couper
Vois mon chagrin fait de l’abonde
A quoi ça ressemble le monde
C’est un territoire occupé
Occupé
Occupé

Paroles et musique : Rémo Gary

Fonds de miroir

J’ai vu des regards souriants ou sombres
Les feux du soleil, les rayons de l’ombre
Le pain des copains, qui le partageaient
Et mes idées noires, plus noires que le jais
J’en ai vu passer dans cette fenêtre
Tous ceux du passé, et tous ceux à naître
Ceux du naissain, ceux du mouroir
Fonds de miroir

J’ai vu des mers rouges, j’ai vu des mers mortes
Ou le capital vide ses aortes
Des corps étrangers d’années en années
Dans les eaux de la Merditerranée
Et d’autres épuisés, parvenant au sable
Qui viennent finir les miettes à nos tables
Et qui logent sur les trottoirs
Fonds de miroir

Je suis retourné vers l’adolescence
Lorsque nous votions le débat d’urgence
Qu’on levait des poings d’interrogation
Cassant les murs de nos lamentations
J’ai vu au massacre des innocents
Dans les villes à feu, et les peuples à sang
Parfois la lueur de l’espoir
Fonds de miroir

J’ai relu des pages, tournées bien trop vite
Des reliquats de chansons mal écrites
Entendu des voix, des voix sans issue
Un drapeau avait perdu son tissu
Des débuts de tout, des poussières d’ébauches
Un petit slogan, à l’extrême gauche
Revenez, il y a tout à voir
Fonds de miroir

J’ai vu des regards souriants ou sombres
Les feux du soleil, les rayons de l’ombre
Le pain des copains, qui le partageaient
Et mes idées noires, plus noires que le jais
J’en ai vu passer dans cette fenêtre
Tous ceux du passé, et tous ceux à naître
Ceux du naissain, ceux du mouroir
Fonds de miroir

Paroles : Rémo Gary
Musique : Joël Clément

Voix de cailloux

Chantez, chantez, voix éraillées
Voix de cailloux, voix de cristal
Racontez ma peine et mon mal
Mon espérance assassinée

Que la chanson ne soit pas gaie
Je ne suis pas un rigolo
Sauf quand l’âpre vin de Bordeaux
M’a fait la cervelle embrumée

Une chanson à l’encre bleue
Pour dire mes folles illusions
Mes rêves de petit garçon
On s’ennuie tant dans les banlieues

Une chanson à l’encre rouge
Pour exorciser mes soldats
Toutes les nuits je les revois
Qui tirent sur tout ce qui bouge

Une chanson à l’encre noire
En souvenir des anarchos
Coupables d’avoir dit tout haut
Ce qu’il adviendra tôt ou tard

Une chanson à l’encre blonde
En l’honneur de ton sexe chaud
Des Juliette et des Roméo
Qui baisent tout autour du monde

C’était ta chambre au dix-septième
Dans un tourbillon de chaleur
L’oreille posée sur ton cœur
J’écoutais la chanson que j’aime   

Je ne suis que coquille vide
Mannequin raide au garde-à-vous
Minerve pour tenir mon cou
Cervelle sèche et cœur livide

Je me bourre d’amphétamines
Et de médicaments divers
Je crains l’été, je crains l’hiver
J’ai faussé toute la machine

J’ai de plus en plus de vertiges
La phobie du trou de mémoire
Si je me retrouvais un soir
Avec un esprit qui se fige

J’avais tellement de courage
Il y a seulement six mois
En arrière toute ! rendez-moi
Cent quatre-vingts jours de mon âge

Malfaiteur ! me crie la famille
Tu nous as mis dans tes chansons
Vois cette poupée de coton
Nous la perçons de nos aiguilles

Tu n’es qu’un gratte-paperasses
Un auteur pas à la hauteur
Tu as voulu jouer les seigneurs
Pour les orgueilleux, pas de grâce

Crève tout seul dans l’aube dure
Scié en deux par la douleur
Sois maudit, désespère et meurs
Étouffe dans tes vomissures

Avec soixante assiettes sales
Témoins de très anciens festins
Avec un cruel mal de reins
Avec un teint toujours plus pâle

Avec trois mille francs qui manquent
Pour l’échéance de demain
Sur la table, à côté du pain
L’avertissement de la banque

Avec quarante années de lutte
Et d’argent de force arraché
Dans mon rétroviseur fêlé
Je vois ma vie faire la culbute

Avec nos années qui se vengent
Avec toi qui hurles à ma mort
Avec mon verre plein à ras bord
Lancé sur ton visage d’ange

Coups sur la gueule, coups de masse
Des cris, du sang, lèvres fendues
Pouffiasse, con, folle, cocu
Et tout le répertoire y passe

Un juge entre ses deux potiches
Il est dérisoire et glacé
Il parle et je suis condamné
Au secours ! tout le monde triche

Avec ta voix dans mon oreille
Ta voix qui ne s’éteindra plus
Si j’avais su, si j’avais su
Ta voix comme un essaim d’abeilles

Chante, mon compagnon de chaîne
Le gardien ne nous entend pas
Il ronfle au plus chaud de ses draps
Nous sommes seuls avec nos peines

Chantez, chantez, voix éraillées
Voix de cailloux, voix de cristal
Racontez ma peine et mon mal
Mon espérance assassinée.

Paroles : Jacques Debronckart
Musique : Rémo Gary
Avec l’aimable autorisation de Camino Verde

Ils dansaient

Ils dansaient une valse noble et désespérée
Nul n’est beau comme ceux qui n’attendent plus rien
Un adieu sans larmes
Adieu
Je fermerai les yeux
Quand je les ouvrirai
Tu auras disparu à jamais

Où seras-tu demain mon âme tant tourmentée
Je serai dans la nuit qui t’enveloppera
Dans la fleur sauvage
Dans l’arbre que tu toucheras
Attends
Tu sentiras la chaleur
La chaleur de mes doigts

Encore un peu de temps hélas la nuit est tombée
J’aurais tant voulu vivre et vieillir avec toi
Il dit ces paroles
Il ouvrit les bras
L’herbe folle
Pour quelques secondes garda
La trace de leurs pas

Ils dansaient une valse noble et désespérée
Nul n’est beau comme ceux qui n’attendent plus rien
Un adieu sans larmes
Adieu
Je fermerai les yeux
Quand je les ouvrirai
Tu auras disparu
Un adieu sans larmes
Adieu
Je fermerai les yeux
Quand je les ouvrirai
Tu auras disparu à jamais.

Paroles et musique : Jacques Debronckart
Avec l’aimable autorisation de Camino Verde

L'éléphance

J'ai la mémoire du pachyderme
Je sais, pour arriver ici
Je sais de quelle nuit, de quel germe
De quelle trompe, je suis sorti
Je sais que je fus petit d'homme
Jumbo sans défenses et sans plis
Bébé, patapouf, bibendum
J'avais encore peur des souris

Qu'elle était belle l'éléphance
Qu'il était doux mon coin de peau
C'était mes premières vacances
Au bord d'ma mère dans l’eau

Je n'craignais dans mon placenta
Ni braconnier ni safari
Lorsque ma mère m'éléphanta
Je barrissais mon premier cri

Qu'elle était belle l'éléphance…

Je fus Moogli, enfant sauvage
Petit macaque, ouistiti
Je jouais aux jeux de mon âge
Loup y es-tu, enfant Yéti
Maintenant loin d'être ectoplasme
Si j'ai des défenses et des plis
Si j'ai quelques éléphantasmes
C'est que j'ai moins peur des souris

Qu'elle était belle l'éléphance…

Quand je deviendrai mastodonte
Au cimetière de l'éléphance
J'irai m'endormir sans honte
Si j’finis bien, si j’finis bien
Si je finis bien mon enfance

Qu'elle était belle l'éléphance
Qu'il était doux mon coin de peau
C'était mes premières vacances
Au bord d'ma mère dans l’eau

Qu'elle était belle l'éléphance
Qu'il était doux mon coin de peau
C'était mes premières vacances
Au bord d'ma mère dans l’eau

Paroles : Rémo Gary
Musique et arrangement : Michel Sanlaville