Palestine
Se méfier des mots qu'on entend, qu'on emploie et de ceux qu'on nous impose. Par exemple on ne dira plus territoires occupés, comme si ceux qui les occupent avaient idée que ça ne dure pas, qu'ils les désoccuperont un jour prochain... Occupé, c'est écrit sur la porte, mais ce sera libre dans une minute ou deux. Ce sera marqué libre sur la porte de Gaza. Quand ?
On dira territoires désoccupés puisque leurs occupants sont massacrés, on pourra dire territoires inoccupables, invivables, on dira annexés, secs, désertiques, on dira décombres, gravats, ruines, poussière. Ce sera plus juste.
On ne dira pas : prison à ciel ouvert, qui est un bel exemple d'oxymore, on pourra dire son pléonasme, prison à ciel fermé. Pour dire reconnaissance de l'Etat palestinien, reconnaissance de l'Etat de Palestine, on dira tout en un seul mot, ce sera plus simple, plus humain, on dira Palestine / Palestine et c'est tout et c'est un tout.
On ne dira pas colonies illégales. On ajoutera pas d'adjectif à « colonies », le mot même dit l'illégalité. On dira mère morte et on ajoutera avec toute sa famille puisque le drône ne fait pas dans le tri sélectif. Ou plutôt si, il sélectionne toute la famille. On dira mer rouge à cause du sang qui a ruisselé dedans.
Pour dire Proche Orient, on dira là où le soleil se lève, c'est ce que ça veut dire, non ? On dira pays du notre proche Levant. De l'aurore. On dira que l'aurore s'est transformée en horreur. C'est juste le son du mot qui module un peu. On dira proche Orient, proche horreur. On dira pays du Levant d'une heure d'avance. Du décalage horaire, du décalage horreur.
Le soleil s'est levé là-bas avec une heure d'avance, une horreur d'avance. Il est presque midi en Palestine... Victor Serge disait en 1939, il est minuit dans le siècle. A Gaza il est minuit depuis plus d'un siécle.
Cette nuit, nous passerons à l'heure d'hiver. A Gaza pareil à moins que l'hiver ne soit leur seule saison … Pour nous ici, on ne dira plus ici c'est l'Ain, on dira ici c'est l'Autre, c'est l'hôte. On accueillera deux millions de demandeurs d'asile s'il le faut, s'ils le veulent. On échangera des olives contre du maïs, du beurre contre de l'huile.
On gardera au chaud nos philosophies, nos croyances. On dira qu'il vaut mieux penser que croire, et que le chemin est plus difficile car il n'est pas déterminé d'avance. On se servira des religions juste pour relier, pas pour nous religioner. L'ONU arrêtera enfin de prendre des résolutions, (des bonnes résolutions comme on se le dit parfois pour la nouvelle année). Si l'ONU prenait quelques révolutions ! Une lettre à modifier, c'est trois fois rien une lettre, mais ça change tout. Le temps des massacres est résolu serait déjà une magnifique chose, mais il faudra bien qu'un jour ou l'autre le temps des massacres soit révolu.
Il faudra du temps, faudra donner de notre temps, en perdre. Faudra pas trouver le temps trop long.
On ne dira plus cessez le feu, puisqu'il ne dure que l'espace d'une pause. A peine le temps d'un café, d'une cigarette, le temps de reprendre son souffle ou de le perdre. Le gouvernement Israélien a sa propore définition : le temps d'entre deux bombes, le temps d'entre deux morts est un cessez le feu. La paix, c'est toujours la paix d'entre les guerres.
Il faudrait faire durer l'entre deux guerres partout quelques siècles.
On dira NETANYAHU en prison, on dira CESSEZ LE FOU, CESSEZ LE FOU. Ici on dit souvent avant guerre, ou après guerre. Mais en Palestine, pas d'avant, pas non plus d'après, que du pendant...
- On te verra à la manif de soutien au peuple Palestinien ? Non, désolé, mais solitaire, bien entendu, non merde ! Je suis solidaire. Vive la solitarité, non, vive la solidarité.
- Désolé ? , comme un territoire désolé, rasé, anéanti. Désolé c'est sans le sol, sans le soleil levant ? Nous on est pour le droit du sol, et de toutes les autres notes de la gamme. On est pour le droit au soleil, et que chacun, chacune ait sa place au soleil. Chacun et chacune un petit rayon, à égalité. Mais venant du même Levant, de la même aurore, du même Orient. Même s'il est moyen. Même du Moyen Orient, ça nous va, c'est déjà pas rien, que ça ne change que moyennement, même de la moyenne aurore, ça nous va aussi, on prend ! Il faut l'Orient pour croire à la journée qui vient. Il le faut pour croire à demain. Le Proche Orient est un début, un espoir proche, mitoyen, le tout début d'une maison commune. NOTRE PAYS S'APPELLE MONDE. Voilà la leçon répétée de la Palestine. Pas un devoir mais une leçon de mémoire pour demain. Une leçon qu'on n'a pas besoin de réviser. Nous ne sommes pas révisionnistes. Pas une leçon à comprendre, à apprendre, non, une lecon à vivre. Les leçons, ça ne s'apprend pas, ça se vit.

