Rémo Gary

Même pas foutus d'être heureux

La pochette en jette. Un gentil couple bouche cousue. Derrière, des cadavres. Le trait, terrible, est signé Jacques Tardi. L'auteur du "Cri du peuple" illustre le nouvel et double album de Rémo Gary, "Même pas foutus d'être heureux". Gary et Tardi se sont bien trouvés. "Par la bande" précise le premier. "Et elle n'est pas bien large".

Le bonheur selon Rémo Gary

Comme il connaît le sens des mots, Rémo Gary aime à en jouer, à en jouir. Aux manifestes appuyés, lui, préfère le poids plume de l'écriture. "Des coups de pieds au coeur" par exemple. Sous prétexte d'engueuler son couple, "même pas foutus d'être heureux tous les deux", il compile la misère du monde. La vraie, celle qui vous fait "vendre un oeil pour trois fois rien". Sous le sabot de n'importe quel tâcheron, ce serait pathétique. Là, c'est terrifiant. Ou cet anar de comptoir qui professe "Ni Dieu, ni flotte". Le CD 1 contient douze morceaux du même tonneau. Du Gary dans le texte avec ses rimes et ses jeux de (ré) mots. Rémo Gary parle en direct à chacun, sans jamais baisser la barre au nom du plus grand nombre.

Dédiée à la personne qui écoute, sa poésie est de celle qui "ouvre les portes". En cela, il est sans doute le meilleur "Client chez Richepin". Jean Richepin dont le CD 2 ("Dans la rade des lits") revisite l'oeuvre truculente, anar et pleine de poils. Si avec ça, on n'est pas foutus d'être heureux, y'a vraiment des coups de pieds au coeur qui se perdent. Avec Didier Boyat, Clélia Bressat-Blum et Joël Clément, "qui ont fait tout le boulot", exagère un peu l'intéressé. Mais il est vrai qu'entre l'intime piano/voix et l'orchestration magistrale, "l'ingénieux du son" et les deux musiciens ont joliment arrangé l'affaire. Le poète a invité le reste de la grand famille, à commencer par sa fille Jeanne Garraud, suivie par les proches cousins (Romain Didier, Michel Sanlaville) et les amis additionnels , Benoît Cancoin, Sébastien Eglème .

Marc Dazy