Commencement (Rémo Gary / François Grinand)
Commençons le commencement
La feuille blanche est un aimant
Et je suis là comme un minot
Devant son premier Meccano
Comme un chien dans un jeu de quilles
Un intrus dans un jeu de filles
Avant de noircir le papier
Souvent l’envie sèche sur pied
On dirait un commencement
Et c'est juste un renoncement
On dirait un commencement
Et c'est juste un renoncement
Le cerveau doit faire dans sa soute
Le plein d'intentions pour la route
Un premier mot monte au charbon
La mine demande pardon
A coups de grisou, de grisés
Le graphite vient se briser
On dirait un commencement
Et c'est juste un ébranlement
Et c'est juste un ébranlement
Je cherche une trame au désir
Un petit train nommé plaisir
J'allume le petit transfo
L'envie ne me fait plus défaut
Comme j'ai perdu la notice
La main fait partir la motrice
On dirait un commencement
Et c'est juste un cheminement
On dirait un commencement
Et c'est juste un cheminement
Il faut continuer le début
Que le combat nous distribue
Du sang d'encre et des mots qui saignent
Des draps fusés pour nos enseignes
Des poètes dans nos émeutes
Des gueules gueulant dans les meutes
On dirait un commencement
Et c'est juste un soulèvement
Et c'est juste un soulèvement
Je paume en vidant mes cartouches
Un peu de mes copains de souche
Un bout de mes voisins de sang
C'est pas facile en commençant
On se prononce, on se divise
A chaque cri dont on s'avise
On dirait un commencement
Et c'est juste un accouchement
La première chanson se pose
Ai-je à écrire quelque chose
Pourquoi, comment tout se complique
A quoi bon ! fait donner sa clique
Et puis voilà trois mots nouveaux
Trois qui échappent au troupeau
On dirait un commencement
Puisque tu arrives (Rémo Gary / Anne Sylvestre)
Comme un limonaire qu'on tourne
Qui enfante tout son carton
Tout son carton
D'une fournée que l'on défourne
La greffe a fait un rejeton
Un rejeton
Sur la grande route épicée
Du bout du bout de l'horizon
D'un cauchemar, d'une odyssée
Ou sortant droit d'une prison
D'un autre monde, d'une autre rive
Qu'importe puisque tu arrives
Par un petit trou de souris
D'un rayon de soleil d'hiver
Soleil d'hiver
D'une pomme qui a pourri
De la cuisse de Gulliver
De Gulliver
D'une molécule de loutre
Par le gène d'un éphémère
Dans un bassin, ou dans une outre
Dans l'eau, dans le fond d'une mère
D'une chaloupe à la dérive
Qu'importe puisque tu arrives
D'un delta de chair, de tissus
Ou ramenée par la tempête
Par la tempête
L'idée d'une idée préconçue
Grosse comm'un grain d'escampette
Grain d'escampette
De la forge des vieux mystères
Descendant des derniers apaches
Du feu qui gicle des cratères
D'un ancêtre juif ou malgache
D'ici ou de Tananarive
Qu'importe puisque tu arrives
Dans le chaos des heures de pointe
Ou l'espace entre loup et chien
Des loups, des chiens
Qu'importe puisque tu te pointes
Tout est bien qui commence bien
Commence bien
Entre les mailles et les barreaux
Même en passant dessous la porte
En cassant le dernier carreau
Je me fous du vent qui te porte
Manger du merle ou de la grive
Qu'importe puisque tu arrives
Et puis qu'on partage nos soupes
Mon âme frère, mon doux calo
Mon doux calo
Installons l'avenir en poupe
Buvons le temps à plein goulot
A plein goulot
Apporte-moi de quoi aimer
Chez moi la table est toute rase
Apprends-moi comment te garder
Et dis-moi la prochaine phrase
Comment faut-il que je l'écrive
Souffle là puisque tu arrives
J’veux me saouler à l’utopie (Rémo Gary / Nathalie Fortin)
Entrevoir un nouveau voyage
Creuser un chemin de halage
Saisir le cheval par les crins
Sortir l’acier de son écrin
Au moins planter le premier bout
Un matin se lever debout
Remonter le fleuve à l’arpi
J’veux m’saouler à l’utopie
On a gardé pour nos vieux jours
Le vin de garde de l’amour
Le désir, un vrai tord-boyaux
Qui vous fait le coeur sur la peau
Et comme des gros bleus qui fâchent
Sur cette peau, du vin qui tache
Et en dedans plein d’eau de vie
J’veux m’saouler à l’utopie
Dans les raisons de mes colères
Je veux enlever la misère
Mettre au quotidien des clodos
Un toit, un coin pour faire dodo
Un lit chaud comme l’astrakan
Sur le trottoir nu des croquants
Je veux dérouler des tapis
J’veux me saouler à l’utopie
Dans mes chansons, pour les marmots
Je veux réparer tous les mots
J’veux les prendre aux pieds de leurs lettres
Écrire pour ouvrir des fenêtres
Et qu’ils me mènent en bateau livre
Que je pisse de mes yeux ivres
Des pleurs d’amour sur mes copies
J’veux m’saouler à l’utopie
Mettre le pavé sur la table
Inventer l’inimaginable
Déclarer la paix de tous bords
Jeter l’injustice à tribord
Aux voleurs, leur voler nos sous
Mettre, pour choper ces grigous
Du gros sel sur leurs queues de pies
J’veux m’saouler à l’utopie
Entrevoir un nouveau voyage
Creuser un chemin de halage
Saisir le cheval par les crins
Sortir l’acier de son écrin
Au moins planter le premier bout
Un matin se lever debout
Remonter le fleuve à l’arpi
J’veux m’saouler à l’utopie
Quand je s’rai deux, j’irai (Rémo Gary / Joël Clément)
Je tiendrai mes résolutions
J‘irai faire ma révolution
Le tour au p’tit bonheur la veine
Des salons de thym, de verveine
Dans le Maquis, dans le Marais
Promis quand je s’rai deux, j’irai
Dans mes yeux y’a peu de courage
Je ne croise que des orages
Pour prendre mes jambes à mon cou
Quelqu’une me manque beaucoup
Et ça c’est la vérité vraie
Promis quand je s’rai deux, j’irai
Aller me balader les grolles
Aux mûres, aux châtaignes, aux girolles
Même s’il fait froid, s’il a plu
Aller voir si je n’y suis plus
A l’affiche des cabarets
Promis quand je s’rai deux, j’irai
J’irai voir coucher des soleils
J’y endormirai mon sommeil
J’rai, quand je serai moins veuf
Voir si sur la Seine au pont neuf
Passe parfois le mascaret
Promis quand je s’rai deux, j’irai
D’accord pour vos panoramas
D’accord pour le Fujiyama
Et les cent miracles du monde
Dans vos rumeurs vagabondes
Dans vos arcanes et vos secrets
Promis quand je s’rai deux, j’irai
Quand je serai comme marié
Quand je me serai rapparié
J’irai s’ennuyer mes dimanches
Sur les plages nues de la Manche
Bien sûr que j’y débarquerai
Promis quand je s’rai deux, j’irai
Je ferai toutes vos campagnes
Grimperai des mâts de cocagne
Pendrai la lune entre les dents
Dans tous les terrains vagues, dans
Des terrains un peu plus concrets
Promis quand je s’rai deux, j’irai
Que je retrouve un bon parti
Alors pour un nouveau parti
Promis, je rejoindrai la lutte
D’accord pour reprendre la Butte
Rouge comm’un verre de vin frais
Promis quand je s’rai deux, j’irai
Je veux pas vieillir sur ma faim
J’irai lorsque j’aurai enfin
Trouvé ma marchande de fables
Dégotté mon inséparable
Dans le petit jardin exprès
Promis quand je s’rai deux, j’irai
Rime orpheline (Rémo Gary / Véronique Pestel)
Pauvre est une rime orpheline
C'est un Pierrot sans Colombine
C'est un noyau sans philippine
Pauvre est un mot célibataire
Souvent ça rime à solitaire
Pas de billon pour faire la paire
Pauvre ça ne rime à rien
Pauvre ça ne rime à rien
J'ai beau sonder les épithètes
Recalculer cent fois tes dettes
Te chercher des sous dans la tête
J'ai beau tirer, tirer la langue
Faire des discours et des harangues
Vendre du fiel pour de la mangue
Pauvre ça ne rime à rien
Pauvre ça ne rime à rien
T’as que la peau, t’as que le cul
Ça colle trop bien aux vaincus
Qui crèvent avant d'avoir vécu
T'as droit de bouffer autant qu'eux
Et y’a pas d’bon dieu pour les gueux
Au diable arrache lui la queue
Pauvre ça ne rime à rien
Pauvre ça ne rime à rien
C’est de l’espèce trébuchante
C’est des petits soirs qui déchantent
Ça sonne pas plus que ça ne chante
Y'a pas de rime et je m'en fiche
Mais y’en a beaucoup pour le riches
Ça rime à tout, ça rime à triche
Pauvre ça ne rime à rien
Pauvre ça ne rime à rien
Entre deux mots s’il y a le moindre
Où est l’avenir qui doit poindre
Où sont les deux bouts qu’il faut joindre
Alors je change pour colère
D'ici jusqu'au cercle polaire
Je chante, et c'est fait pour me plaire
Pauvre ça ne rime à rien
Pauvre ça ne rime à rien
J’ai beau fouiller les vieux dicos
Les manuels grammaticaux
La rime y joue le statut
J'ai beau sonder les épithètes
Recalculer cent fois tes dettes
Te chercher des sous dans la tête
J'ai beau te renverser les poches
Tout retourner dans ta sacoche
Y'a pas un liard pour ta bidoche
Il pleut toujours où c’est déjà mouillé (Rémo Gary / Clélia Bressat-Blum)
Là-bas des déserts sans ombre
Le soleil comme une forge
Ici des ruisseaux sans nombre
Ici de l’eau plein les gorges
Des joncs et des peupliers
Il pleut toujours où c’est déjà mouillé
Ici des femmes bien peintes
Du vermillon sur la bouche
Là-bas des poitrines éteintes
Des yeux maquillés de mouches
Des visages gribouillés
Il pleut toujours où c’est déjà mouillé
Petites mains de dix ans
Qui descendent dans les mines
Ou que la mine descend
Fantassins de plombagine
Petits soldats mâchouillés
Il pleut toujours où c’est déjà mouiillé
Esclaves de Slavonie
Encore les mêmes qui trinquent
Vieux colons des colonies
Encore les mêmes qui vainquent
Et les mêmes écrabouillés
Il pleut toujours où c’est déjà mouillé
Ici tonneaux et barriques
Du vin plein la gargamelle
Là-bas sec comme une trique
Un qui rempli sa gamelle
Avec un peu d’eau rouillée
Il pleut toujours où c’est déjà mouillé
Que du bon sang dans les veines
Bonne ligne et bonne pente
Là on roule sur la veine
Là-bas on vit sur la jante
Sur de la terre épuisée
Il pleut toujours où c’est déjà mouillé
Là-bas on vaut pas la mise
Ni le bout de pain qu’on mange
La peau vaut pas la chemise
Le sang vaut pas la vendange
Le pied vaut pas le soulier
Il pleut toujours où c’est déjà mouillé
Parasols ou parapluies
Faudrait inverser les classes
Redistribuer la pluie
Faudrait retourner la casse
Faudrait tout carambouiller
Il pleut toujours où c’est déjà mouillé ...
Toujours où c’est déjà mouillé
Toujours où c’est déjà mouillé
Nourrice des étoiles (Rémo Gary / Michèle Bernard)
Vieille nourrice des étoiles
L’aveugle s’y paye une toile
Le vaisseau fantôme une voile, la nuit
C’est là qu’on grise du papier
Que grisonnent tous les greffiers
Les foulards blancs sont des kéfiés
La vérité y voit ses puits
C’est de l’ombre dans des ténèbres
Les rayures noires d’un zèbre
Sur la robe d’un cheval nègre, la nuit
Nuit d’ébène ou de carnaval
C’est un pogrom, c’est du cristal
Pour vingt mille dormeurs du val
Un couvre feu sur de la suie
C’est l’heure aussi des longs couteaux
Le rendez-vous des Gestapo
On égorge sous les manteaux, la nuit
C’est l’heure d’une assemblée féconde
Un quatre août on refait le monde
Quand le sommeil lâche la bonde
C’est des privilèges abolis
Déjà le temps a fait son oeuvre
Et l’angoisse est à la manoeuvre
Qui jette sa poudre de pieuvre, la nuit
Mais le jour a toujours raison
Qui vient passer l’écouvillon
Dans les tuyaux de l’horizon
Moi j’attends en chien de fusil
Au ciel de lit, au clair de brune
Tout seul dans mes bras, sans fortune
J’engrosse le cul de la lune, la nuit
La voie lactée est sans lactose
Le ciel bleu à des ecchymoses
Je pourrais le dire sous hypnose
Je n’y ai trompé que l’ennui
Si le désir tombe en journée
Qu’on prenne un pain sur la fournée
Avant qu’elle pointe son nez
La nuit
Il était une mauvaise fois (Rémo Gary / Laurent Berger)
On fait l’amour à corps trouvés
Sur la couvée
Désir échaudé ne craint plus
L’eau qu’il a plu
Mais le souvenir reste chaud
D’un l’artichaut
Trop vite effeuillé autrefois
Il était une mauvaise fois
La mariée était trop belle
Était trop elle
Et lui n’était pas assez lui
Pas assez nuit
Tournez ça comme vous voulez
Laissez rouler
Quand c'est mal engagé, ma foi
Il était une mauvaise fois
Et ça nous fait un gros chagrin
Un vieux refrain
Qui dure comme la peur et l’envie
Toute la vie
Anguilles, regrets et reproches
Sont sous les roches
Que le courant remue parfois
Il était une mauvaise fois
Mais on va s’y laisser reprendre
Laisser rependre
La corde n’a pas dit parbleu
Son dernier nœud
Au prochain sourire croisé
Tout bien pesé
On dira c’est si loin, la fois
Qu’il était une mauvaise fois !
On fait l’amour à corps trouvés
Sur la couvée
Désir échaudé ne craint plus
L’eau qu’il a plu
Mais le souvenir reste chaud
D’un l’artichaut
Trop vite effeuillé autrefois
Il était une mauvaise fois
À perpette (Rémo Gary / Hervé Suhubiette)
Je voudrais être nous
Je voudrais qu’on se noue
Par la manche
Je voudrais être moi
Moitié de ton siamois
A ta hanche
Jamais chacun pour soi
Qu’on tisse nos deux soies
Qu’on se trame
Chacun pour deux, plutôt
Mènes moi en bateau
Je te rame
Puisqu’on vit à la colle
Depuis les bancs d’école
Que ça tienne
J’voudrais qu’on se confonde
J’voudrais qu’on se féconde
Qu’on devienne
Au bout de l’embrassage
La moitié de l’alliage
Du mélange
Au coeur de l’embarras
La moitié du fatras
De l’échange
On se connaît de loin
Ça resserre les liens
Je t’enlace
Du serpent et du puits
Du venin, rien ne dit
Qu’on se lasse
Genoux contre genoux
Y’a plus rien entre nous
Que la fièvre
On partage des gènes
Je prends mon oxygène
Sur tes lèvres
Comme on s’ensauvageonne
Autant qu’on s’embourgeonne
Que ça fuse
Qu’on s’influence bien
Que dans les mêmes bains
On s’infuse
Faut pas lacher la bride
A la fin qu’on s’hybride
Qu’on s’aimante
Tiens moi bien aux courants
Et la main, en mourant
Qu’on s’amante
Et jusqu’au dernier jour
Que l’on prenne l’amour
Sur la bête
Sur la bête à dodo
Et qu’on fasse deux dos
A perpette
Et jusqu’au dernier jour
Que l’on prenne l’amour
Sur la bête
Sur la bête à dodo
Et qu’on fasse deux dos
A perpette
Le marchand de sommeil est passé (Rémo Gary / Fred Bobin)
Le marchand de sommeil est passé
Dormons, dormez
Nous a servi sa soupe
Dehors pour un chez soi
Des matelas d'étoupe
Du crin pour de la soie
Le marchand de sommeil est passé
Dormez
Le marchand de pipeaux est passé
Pipons, pipez
A sorti de sa manche
Que l'envers c'est l'endroit
Qu'on abroge dimanche
Qu'un devoir est un droit
Le marchand de pipeaux est passé
Pipez
Le marchand de spectacle est passé
Jouons, jouez
Nous a tué l'Auguste
Et les feux de la rampe
Fait la justice injuste
Nous a éteint la lampe
Le marchand de spectacle est passé
Jouez
Le marchand de hochet est passé
Hochons, hochez
A fait donner ses orgues
Et le sable des dieux
Nous a jeté sa morgue
Des fables plein les yeux
Le marchand de hochet est passé
Hochez
Le marchand de misère est passé
Crevons, crevez
Nous a troqué, lanlaire
Dessus contre dessous
Du vent pour des salaires
Des mots contre nos sous
Le marchand de misère est passé
Crevez
Le marchand de terreur est passé
Marchons, marchez
A défait chaque maille
De la fraternité
A grand coups de flicaille
Nous voilà démaillés
Le marchand de terreur est passé
Marchez
Demain la révolte passera
Vengerai, vengera
Demain la révolte passera
Vengerai, vengera
Foutez-nous la paix (Rémo Gary / François Forestier)
On voit gicler de le groseille
Du raisin, du jus de soldat
A chaque morsure d’abeille
A chaque pruneau, chaque éclat
L’arrosoir, la machine à poudre
Fait sa couture au barbelé
Comme la machine à découdre
A piqué autant d’épilés
Que de vrais poilus, s’il vous plaît
Aujourd’hui foutez nous la paix
Assez des sombres clarinettes
Qui plantent leurs notes d’acier
Les ventres pour ces baïonnettes
Sont des boyaux à tricoter
Le masque comme un groin sur la bouche
Leur fait des têtes de cochon
La tombe est faite, le corps se couche
Les gaz montent au cabochon
Comme la moutarde, s’il vous plaît
Aujourd’hui foutez nous la paix
Plus de victoires sur des ruines
Jamais plus de galons gagnés
Sur les vestes plus de sardine
Plus de boucherie célébrée
Deux bons gros millions de bonshommes
Morts, et deux fois plus de blessés
Verdun et la Marne et la Somme
Plus de six obus balancés
Au mètre carré, s’il vous plaît
Aujourd’hui foutez nous la paix
Que ces mots là on les supprime
Bleusaille, artiflot, purotin
Que ces gens là on les périme
Nivelle, Mangin ou Pétain
Nivelle qui écrit et qui signe
Qu’il faut finir avant le blanc
Tout le sang noir de nos lignes
C’est normal, ça n’est que du sang
De sénégalais, s’il vous plaît
Aujourd’hui foutez nous la paix ....
Si d’aventure ils fraternisent
Ces poilus, qu’il se mettent en trêve
Le chant de Craonne est de mise
Qui dit son appel à la grève
Les généraux, les sanguinaires
Fusillent ces petits troupiers
Payez de votre peau la guerre
Les pauvres sont faits pour aimer
Messieurs les riches, s’il vous plaît
Aujourd’hui foutez nous la paix
S’ils l’ont chanté cette rengaine
Les pious-pious qui ont survécu
L’horreur a repris de la graine
Et le siècle en est revenu
La mort à déroulé, perfide
A petits massacres comptés
A grands coups, à grands génocides
Son torchon jusque sous nos pieds
Une fois pour toutes, s’il vous plaît
Maintenant foutez nous la paix
Hiver indien (Rémo Gary / Romain Didier)
Voilà qu’on décroque les pommes
Que le temps efface ses gommes
On est dans la froide saison
On a l’âge de déraison
Nos parallèles se rejoignent
Je n’te lâcherai plus la poigne
Jusqu’à passer le méridien
Appelons ça l’hiver indien
C’est au pays de l’embellie
C’est limitrophe à l’embolie
Et sous ces tendres latitudes
On compte en degrés d’habitude
Dans nos fuseaux horaires en rade
On compte en journées centigrades
On grappille du quotidien
Appelons ça l’hiver indien
On est comme des iroquois
Reposant encore le pourquoi
Espérant trouver le comment
Des choses et leur renversement
Restons encore joue contre joue
Comme deux bêtes sous le joug
Ne coupons pas le nœud gordien
Appelons ça l’hiver indien
La Saint Martin n’existe pas
Y’a que la Saint Glinglin qui soit
Avec du neuf, à faire du vieux
Il paraît qu’on fait des envieux
On a la raison au long cours
Y’a pas de saison de secours
Notre ange est un diable gardien
Appelons ça l’hiver indien
On sait pas qui sera et quand
Des deux le dernier mohican
On redescend la pente douce
Là où la mémoire s’émousse
Nos souvenirs sur les divans
S’endorment ou s’envolent au vent
Nos amours ne sont plus freudiens
Appelons ça l’hiver indien
Voilà qu’on décroque les pommes
Que le temps efface ses gommes
On est dans la froide saison
On a l’âge de déraison
Nos parallèles se rejoignent
Je n’te lâcherai plus la poigne
Jusqu’à passer le méridien
Appelons ça l’hiver indien
Pars pas avant (Rémo Gary / Gérard Pierron)
Je n’y pensais pas beaucoup auparavant
Pars pas avant
Car jusque-là j’avais la tête à l’évent
Pars pas avant
Fais bien attention à toi dorénavant
Repose toi quand les jours sont éprouvants
D’toutes façons y’a pas d’après, c’est tout du vent
J’aimerais mieux mourir d’abord, mourir vivant
Pars pas avant
On est bien contre marée et contre vent
Pars pas avant
Bien restés collés bien restés connivents
Pars pas avant
Pour qui je ferai mon cirque aux quatre vents
A qui mes grimaces de singe savant
Seul je serais comme en prison, comme au couvent
Autant se battre avec des moulins à vent
Pars pas avant
Si on pouvait ensemble prendre le vent
Pars pas avant
Conclure notre calendrier de l’avent
Pars pas avant
S’aimer comme on s’aime est facteur aggravant
Ça va sans le dire et mieux en l’écrivant
Je n’y pensais pas beaucoup auparavant
Car jusque-là j’avais la tête à l’évent
Pars pas avant
Je pleut (Rémo Gary / Rémo Gary)
Je pisse mes os
Je vide mes bosses
Oh ! vieux mérinos
Je change mon eau
Je crève un nuage
Je perce un orage
Je vide un barrage
Je pleure tout mon seau
Je fais du chagrin
Je fais mon crachin
J’fais mon temps de chien
Mon temps de cabot
Je fais du grésil
Je lave mes cils
Je suis l’imbécile
Qui mouille son eau
Je pleure du vin trouble
De l’eau de Chiroubles
Je vois tout en double
Oh ! pauvre Narcisse
Je noie mon mirage
Je bois mon naufrage
L’eau de ce potage
Baigne mes iris
Je pleure par la bouche
Mes mâchoires louchent
J’ai le nez qui mouche
C’est du vilain temps
Quand mars déboule
Soit mes yeux riboulent
Soit mes yeux giboulent
C’est intermittent
Je pleure des cordes
Sensibles, des hordes
D’averses qui mordent
De toutes leurs dents
Je pleure des ficelles
De l’eau de vaisselle
Du bouillon, du sel
Mes yeux sont dedans
Allez vous faire foutre
J’en remplis des outres
A chialer les poutres
Que j’ai dans les yeux
A pleurer les pailles
Suer les entailles
Les défauts, les failles
J’fais ce que je pleut
Je fais ma tambouille
Je crache ma rouille
Tête de gargouille
Je pleure comme un veau
Grenouilles de pierre
Filles de gouttière
Je pleure mes ornières
Dans vos caniveaux
Je pleure de la neige
Le monde en stratège
Tourne son manège
De flocons d’effroi
Je mouille des flammes
Des flots et des lames
J’inonde une femme
Je crève de froid
Camoufle ta peine
Range ta rengaine
Jusqu’à la prochaine
On est tout trempés
Vas faire le saule
Vas pleurer ton rôle
Sur d’autres épaules
On est tout soupés
Et pour que ça sèche
Sur tes antisèches
En encre de seiche
Change ta mousson
En encre potable
La main sur la table
C’est inévitable
Pisse ta chanson
Chez Ponchon (Rémo Gary / Jeanne Garraud)
Pour apprendre à chanter
Pour remplir sa gamelle
Où qu’on peut dégoter
Des rimes tant jumelles
Qu'on dirait des nichons ?
Chez Ponchon
Des rimes si rupines
Plus riches que Crésus
Des figures plus poupines
Que des petits Jésus
Des vers de mômichon
Chez Ponchon
Ni brosse, ni pommade
Chez ce flambant poète
Pas de grandes tirades
À se monter la tête
On dira bourrichon
Chez Ponchon
Où qu’on trouve d'argot
Des poèmes à la pelle
Plus abondants qu’Hugo
En langue paternelle
Les mots des papuchons
Chez Ponchon
On choisit pas son camp
Moitié Jacques Lapointe
Moitié Bobby Lacan
On est soit à la pointe
Soit à Califourchon
Chez Ponchon
J’y vole, j’y renifle
La métaphore espiègle
Et j’y trempe ma griffe
Comme fondrait une aigle
Sur un petit cochon
Chez Ponchon
Pourquoi chercher ailleurs
Dans quelle oeuvre concave
Aucun autre gouailleur
Ne se tint mieux en cave
En poussant la chanchon
Que Ponchon
Le dernier mot enfin
À Richepin son frère
Il dort comme un lapin
Dans son terrier de pierre
Au même polochon
Que Ponchon