Rémo Gary

Paroles CD1

Consultez ici l'intégralité des textes des chansons du CD1 (Rémo Gary)

Des coups d’pied au cœur (Rémo Gary / Clélia Bressat-Blum)

On n’a pas été fout-la faim
Ni truand, ni même aigrefin
Et on n’a pas passé tricard
Notre enfance dans un placard
On entend, on parle, et on voit
On n’a pas une main qu’on n’a pas
On va pas crever dans l’hiver
On n’a pas un squelette en verre
Ni récupéré chez maman
Un chromosome en supplément

Et ben tu vois
Malgré tout ça
Même pas foutus d’être heureux
Tous les deux
Y’a des coups d’pied au cœur qui s’perdent
Merde

On va pas mourir du sida
On n’est jamais mort au Rwanda
Non plus étouffé à Bhopal
Par un nuage cannibale
On n’a pas attrapé la guerre
Ni connu les abris naguère
Pas perdu famille et amis
D’un seul jet dans un tsunami
Pas bouffé de rayons gamma
Mon amour à Hiroshima

Et ben tu vois
Malgré tout ça
Même pas foutus d’être heureux
Tous les deux
Y’a des coups d’pied au cœur qui s’perdent
Merde

On n’a pas fini S.D.F
Dans un entrepôt d’A.Z.F.
Ni enterré sous le limon
Dans les boyaux de Douaumont
On n’a jamais eu à se rendre
On n’a jamais eu à se pendre
On n’a jamais dû vendre un rein
Ou un œil contre trois fois rien
Ni contre deux sous échanger
Un enfant pour pouvoir manger

Et ben tu vois
Malgré tout ça
Même pas foutus d’être heureux
Tous les deux
Y’a des coups d’pied au cœur qui s’perdent
Merde

Les jours se suivent et se rassemblent
Et voilà qu’on vieillit ensemble
Bien sûr on a quelques misères
Des catastrophes ordinaires
Un voisin qui part avant nous
Des instants que l’angoisse noue
Les petits coups de pied en vache
Que le temps rumine et remâche
Qui font mal, mais sont peu de chose
Quand tout autour la terre explose

Depuis qu'je suis parti (Rémo Gary / Romain Didier)

Depuis qu'je suis parti
Comme un rêve de lune
Notre maison commune
Est-ce qu’on l’aurait bâtie
A t-on envisagé
Avec un philosophe
Qu’aurait assez d’étoffe
Que tout pouvait changer
Dis-moi, l’intelligence
La raison, la conscience
Dis-moi, l’intelligence
La raison, la conscience
Vont toujours aux orties
Depuis que j’suis parti

Depuis qu'je suis parti
A t-on trouvé la sonde
Pour estimer le monde
A t-on trouvé l’outil
Est-ce qu’on a dégommé
Les croix et les bannières.
Le siècle des lumières
Est-ce qu’on l’a rallumé
Parle-moi des récoltes
Des semis, des révoltes
Parle-moi des récoltes
Des semis, des révoltes
Achevées, abouties
Depuis qu'je suis parti

Depuis qu'je suis parti
Les pauvres et les riches
Les braves et les chiches
Sont-ils mieux répartis
Est-ce qu’on a partagé
Avec un bout d’Afrique
Une bouchée de fric
Le monde a-t-il mangé
Et dans ce nouveau souffle
Le cours de la mistoufle
Et dans ce nouveau souffle
Le cours de la mistoufle
S’est-il interverti
Depuis qu'je suis parti

Depuis qu'je suis parti
Dis-moi pour l’étranger
Les choses ont-elles changé
Dis, est-il mieux loti
Est-ce que les voisins causent
Est-ce que gens disputent
Y a t-il quelques luttes
Y a t-il quelques causes
Dis-moi dans le village
Lis-tu sur les visages
Dis-moi dans le village
Lis-tu sur les visages
Qu’on sort de l’apathie
Depuis qu'je suis parti

Depuis qu'je suis parti
As-tu toujours le chien
Qui déterre au jardin
Les graines pas sorties
Est-ce que t’as dérogé
Pour un nouveau béguin
As-tu repris quelqu’un
Est-ce que tu m’as changé
Dis-moi, comment vas-tu
Si tu t’es bien battue
Dis-moi, comment vas-tu
Si tu t’es bien battue
Si tu t’es divertie
Depuis qu'je suis parti

Depuis qu'je suis parti
La flèche des possibles
A t-elle touché sa cible
Est-ce qu’on en est sortis ?

Première maison (Rémo Gary / Romain Didier)

Voilà que l'on retourne à la case départ
Quand la main de l’amour serrait fort les verrous
Pour grandir il faut bien habiter quelque part
Attendre le moment de la levée d’écrou
Pour s’en dérappeler attendre jusqu’au bout

C’est bâti dans la tête, pas besoin de ciment
C’est là qu’on a brûlé sa première saison
C’est là que l’on retrouve incessamment maman
Sa première maison

Je n'y reconnais rien, rien n’a changé quand même
La meule de l’enfance vient y moudre son grain
Je m'y plaindrais encore que mersonne ne m'aime
J'y rentre quand je veux comme dans un moulin
La clé du souvenir cachée sous le gadin

C’est bâti dans la tête, pas besoin de ciment
C’est là qu’on a brûlé sa première saison
C’est là que l’on retrouve incessamment maman
Sa première maison

Et le temps consumé le cœur à la fenêtre
Les marbrures du soleil, sur les vieux papiers peints
Et la peur d’en sortir, comme la peur de naître
La tendresse à l'ombre des grands murs en parpaings
Et les soirs où l'on rentre en oubliant le pain

C’est bâti dans la tête, pas besoin de ciment
C’est là qu’on a brûlé sa première saison
C’est là que l’on retrouve incessamment maman
Sa première maison

Voilà que l'on retourne à la case départ
Quand la main de l’amour serrait fort les verrous
Pour grandir il faut bien habiter quelque part
Attendre le moment de la levée d’écrou
Pour s’en dérappeler attendre jusqu’au bout

Le jardin de l’oubli (Rémo Gary / Clélia Bressat-Blum)

Notre amour est mort aujourd’hui
Sans prévenir, sans crier gare
Au bout du bout de nos bagarres
Notre amour est mort dans son lit
On a veillé des nuits entières
T’as lu le tout dernier chapitre
Y’a plus de buée sur la vitre
Je cherche un petit cimetière

En retenant les derniers pas
Sur la pointe de ses pantoufles
En ravalant le dernier souffle
Il est parti en tapinois
J’ai senti ma passion descendre
Notre flamme est devenue cendre
J’ai vu s’éteindre la rumeur
Dans quel espace
Vont nos amours quand ils passent
Quand ils meurent

Je crois qu’il est mort à l’usage
Cassé en deux, mort à l’usure
Comme le vers à la césure
A l’hémistiche de son âge
Je crois qu’il est mort tout son soûl
Y’avait plus d’huile dans sa lampe
J’ai vu tomber un hippocampe
Là où c’était un cheval fou

Passez-moi la mémoire au crible
Écumez les amours anciennes
Je cherche une fosse crânienne
Je veux ma tête disponible
Qu’on m’enlève tous mes “ je t’aime”
Qu’on me défasse cet œdème
Qu’on m’arrache cette tumeur
Dans quelle synapse
Vont nos amours quand ils clapsent
Quand ils meurent

Je cherche un genre catacombe
Pour que le repos me revienne
Pour qu’enfin je me dessouvienne
Je veux une manière de tombe
Je cherche une infaillible planque
Où est le jardin de l’oubli
Le trou béant de l’amnésie
Où l’on enterre les “ tu me manques ”

Entre les draps frais du printemps
Il revient à titre posthume
Il faudrait que mon cœur l’inhume
Mais il s’en fout et il m’attend
Où est monsieur Alzheimer
Que son corbillard virtuel
L’emporte loin de ma cervelle
Dans quel cloaque
Vont nos amours quand ils claquent
Quand ils meurent

Le maréchal des sans-logis (Rémo Gary / Romain Didier)

J’habite un costume trois pièces
Au raz de chaussée
Je tends la main pour la pièce
Quand vient la maréchaussée
Je circule, je circule
Mes pieds c’est mon véhicule
Où êtes-vous ? J’ai pas de toit,
Domiciliez-moi !

Quand il pleut j’ai l’eau potable
J’ai mes deux genoux pour table
J’ai l’EDF à la bougie
Je suis le maréchal des sans-logis

J’ai écrit sur ma pancarte
Tout, même un igloo
Tout, même un château de cartes
Un repaire comme les loups
Ou une vieille bagnole
Même une auberge espagnole
Où êtes-vous ? J’ai pas de toit,
Domiciliez-moi !

Même un abri d’infortune
Je n’espère pas la lune
Je n’crois pas à l’astrologie
Je suis le maréchal des sans-logis

Je rêve d’une étoile de tente
D’un toit de tissu
Au moins un ciel à deux pentes
Avec ma plaque dessus
Quand dehors est en décembre
Juste un petit trou de chambre
Où êtes-vous ? J’ai pas de toit,
Domiciliez-moi !

Y’a pas d’foyer disponible
Dans vos quartiers insensibles
C’est moi qui fais l’ethnologie
Je suis le maréchal des sans-logis

Dans mon carton insalubre
Je songeais à vous
J’occupais mon temps lugubre
A construire ce rêve fou
Qu’on aurait un beau taudis
Qu’un soir je vous aurais dit
C’est juré jamais deux sans toit
Domiciliez-moi !

Hier j’ai rendu mon costume
Je suis mort sur le bitume
C’est là qu’est passée la régie
Je suis le maréchal des sans-logis

J’habite une toute petite pièce
Et je me console
Les murs sont en bois de caisse
J’habite au premier sous-sol
Bien à l’ombre, sous la dalle
J’ai plus besoin de que dalle
Et vous, vous piétinez mon toit
Vous marchez sur moi

Pas de flamme continue
Pour le soldat bien connu
Non rien, pas même une bougie
Pour le maréchal des sans-logis

La douce maladie (Rémo Gary / Romain Didier)

Maladie des petits pieds
Qui va finir à son germe
Qui va guérir à son terme
Quand la fille aura fillé
Fille ou bien dans le bidon
C’est peut-être un Bibendum
Le tout nouveau petit d’homme
Qui shoot'ra le ballon

Oh ! La douce maladie
Oh ! Le noyau, l’épicentre
Du volcan du paradis
Le joli mal de ventre

Un drôle de Polichinelle
Tout seul au fond du tiroir
Vérifie dans son miroir
S’il ressemble à il ou elle
Quand il y a deux Pierrots
Dans ce panier à salade
La fille deux fois malade
A des bonheurs jumeaux

Oh ! La douce maladie
Oh ! Le noyau, l’épicentre
Du volcan du paradis
Le joli mal de ventre

Là, sous le cuir du tambour
Un p'tit bonhomme de troupe
Qui gonfle comme une croupe
Bat des pieds, compte les jours
Là sous l’écorce d’orange
Un sanguin, une sanguine
Mandarin ou Clémentine
Le p'tit pépin d’un ange

Oh ! La douce maladie
Oh ! Le noyau, l’épicentre
Du volcan du paradis
Le joli mal de ventre

Qui se soigne à l'appétit
Qui mange en double à sa faim
Qui fait un vrai mal de chien
Le jour où l'on en gémit
Maladie des petits pieds
Qui vient finir à son germe
Qui vient guérir à son terme
Quand la fille a fillé

Oh ! La douce maladie
Oh ! Le noyau, l’épicentre
Du volcan du paradis
Le joli mal de ventre

A voile et à vapeur (Rémo Gary / Clélia Bressat-Blum)

C’est des désirs débordants
C’est des taches écarlates
Sur des linges de frégates
C’est des bordées, des bordants
C’est la face et le revers
C’est un cap qui hésite
Entre alcool et Antésite
C’est l’endroit ou c’est l’envers

C’est l’envie et c’est la peur
A voile et à vapeur

C’est mon double ou mon contraire
Mon alter ou mon ego
Je vous aime entre deux eaux
C’est mon miroir dans la mer
Le bateau est ambigu
Des cheminées équivoques
Des mats plantés dans la coque
L’équipage est bien foutu

C’est de l’amour de loupeur
A voile et à vapeur

C’est du partage impossible
Je tire la couverture
A moi toute la voilure !
Je tiens la corde sensible
J’escalade l’horizon
J’oscille entre les deux sexes
Entre concave et convexe
Entre la forme et le fond

Le jeu ne me fait pas peur
A voile et à vapeur

Mon radeau de la cambuse
Mon très doux, ma goélette
Ma chaloupe, ma corvette
Mon moi, si je ne m’abuse
Mon autre genre, ma gouge
Pour mes désirs invertis
Je change, j’intervertis
Je passe du rose au rouge

Et je me sape en sapeur
A voile et à vapeur

C’est des tendresses interdites
C’est des garçons dérobés
C’est des filles culottées
Des amours plus ou moins dites
Ça triche pas et ça flanque
Pas que des coups et des passes
C’est sûr’ment pas des impasses
C’est pas d’l’amour à la manque

Ça trompe que les trompeurs
A voile et à vapeur

Moquez-vous si ça vous hante
Dormez sur vos habitudes
Mourrez sur vos certitudes
Moquez-vous si ça vous chante

Riez si c’est de bon cœur
A voile et à vapeur

Est-ce ça le Chemin des Dames (Rémo Gary / Jean Luc Michel)

Est-ce ça le Chemin des Dames
Qui passe au fond d’une tranchée
D’hommes couchés
A l’arrière, mille neuf cent dix-sept
Elles ravaudent des chaussettes
Les morts ont les pieds arrachés
L’avenir n’a plus que des femmes
Est-ce ça le Chemin des Dames ?

Est-ce ça le Chemin des Dames ?
Qui longe les quais des canaux
Des arsenaux
Pierreuses des périphériques
Dans les bois, c’est des bucoliques
C’est des grues, des petits moineaux
Dans les vitrines d’Amsterdam
Est-ce ça le Chemin des Dames ?

Est-ce ça le Chemin des Dames ?
Qui s’enfonce dans les cuisines
Dans les bassines
Derrière les murs, les corridors
Sous les cornettes ou les tchadors
Dans le secret des officines
Dans l’interlude des hammams
Est-ce ça le Chemin des Dames ?

Est-ce ça le Chemin des Dames ?
On n’y croise que des mégères
Que des chimères
Que des muses, des égéries
Femmes blanches, vierges Marie
Diablesses noires, ronds de sorcières
Le jeu des hommes au jeu de dames
Est-ce ça le Chemin des Dames ?

C’est pas ça le Chemin des Dames
C’est pas qu’une voie sans issue
D’idées reçues
Non, il cherche, il est en maraude
Il invente, il échafaude
Comme un qui vient d’être conçu
Ecoutez-le faire son ramdam
Le voilà, le chemin des dames

Ni dieu ni flotte (Rémo Gary)

On ne croit pas aux clous des fakirs
On croit pas aux clous sur les croix
Ni à l’eau, ni à l’au-delà
On préfère le communard au kir
On préfère le bonnet à la calotte
Ni dieu ni flotte
On préfère le bonnet à la calotte
Ni dieu ni flotte

On se mouille, on tache nos chemises
Ça fait bien 100 ans que l’on trinque
A la loi de 1905
Nous on donnerait bien les églises
Aux sans-abri ainsi qu’aux sans-culotte
Ni dieu ni flotte
Aux sans-abri ainsi qu’aux sans-culotte
Ni dieu ni flotte

On ne craint pas les fûts, les canons
Ni le tonnerre de vos dieux
Ni les bombonnes de vin vieux
Ni les foudres de St Émilion
Qu’il en tombe comme à Gravelotte
Ni Dieu ni flotte
Qu’il en tombe comme à Gravelotte
Ni Dieu ni flotte

Sûr on vote rouge à chaque tour
On fait quasi tous les métingues
En donnant du poing sur le zinc
Notre révolution de velours
C’est, du moins, du velours pour nos glottes
Ni dieu ni flotte
C’est, du moins, du velours pour nos glottes
Ni dieu ni flotte

On fait le tour du monde en ballon
On baptise jamais le vin
On n’a pas besoin des divins
On atteste que la terre est rond
Qu’il refourguent à d’autres leur cam’lote
Ni dieu ni flotte
Qu’il refourguent à d’autres leur cam’lote
Ni dieu ni flotte

On ne croit pas aux clous des fakirs
On croit pas aux clous sur les croix
Ni à l’eau, ni à l’au-delà
On préfère le communard au kir
On préfère le bonnet à la calotte
Ni dieu ni flotte
On préfère le bonnet à la calotte
Ni dieu ni flotte

Sans la guerre (Rémo Gary / Romain Didier)

Pas de ticket de rationnement
Pas besoin d'écrire à sa maman
Que ce s'ra bientôt fini
Que son p'tit soldat va revenir
Pas plus d'armée qu'on n'veut en bénir
Non plus, de tombes, nenni

Pas de crânes cassés
Ni d'hommes pansés
Pas de peuples cabossés
Pas de larmes versées
Ou, en tous cas, guère
On mourra bien sans la guerre

Pas de peaux, pas de panses à crever
Pas beaucoup de marbres à graver
Ni médaille, ni tambour
Pas de chanson pour le maréchal
Pas besoin non plus de plan Marshall
Ni clairon, ni brandebourg,

Pas de bronzes fondus
De femmes tondues
Pas de continents vendus
Pas de causes perdues
Ou, en tous cas, guère
On mourra bien sans la guerre

Aucun risque de tuer un ami
De sang à la St Barthélemy
Aucun outrage à venger
Pas de camp, de corde, de potence
Et pas de dévotes repentances
Pas de remords à ronger

Pas jeter d'anathème
De fatwa, idem
Ne craindre que les " je t'aime "
Ni croix, ni chrysanthème
Ou, en tous cas, guère
On mourra bien sans la guerre

Des questions d'amitiés foisonnantes
De la révolution permanente
Et de l'amour échangé
Des lundis qu'on réforme en dimanches
De la démocratie sur la planche
Le pain, l'argent, partagés

Pas de crânes cassés
Ni d'hommes pansés
Pas de peuples cabossés
Pas de larmes versées
Ou, en tous cas, guère
On mourra bien sans la guerre

Y’a que le train (Rémo Gary / Joël Clément)

Pour dire les retards, les retours
Et tout caser dans un quatrain
La vie, la mort et ses contours
Y’a que le train
Petit à la S.N.C.F.
Mes badinages étaient restreints
A deux ou trois wagons Jouef
Y’a que le train

Pour mes premières confidences
Qui trop embrasse mal étreint
J’ai choisi la correspondance
Y’a que le train
Amis, boulot, maison, projets
J’ai tout abandonné contre un
Seul billet doux pour ton trajet
Y’a que le train

Premier rendez-vous sur un quai
Et première histoire d’arrière-train
Premier amour, premier ticket
Y’a que le train
Partout où je voulais te suivre
Tu enjolivais mon train-train
On forgeait des chemins de cuivre
Y’a que le train

Tous les chemins d’fer vont à Rome
Il en passe aussi par Turin
Car hormis la Route du Rhum
Y’a que le train
Moi qui n’ai rien du matelot
Quand t’as opté pour un marin
J’donnais des coups d’amour dans l’eau
Y’a que le train

Au bout du quai t’as crié : “ gare
A toi ” j'ai changé de refrain
Et t’as sifflé le Chef de Gare
Y’a que le train

Depuis aux carreaux des voitures
A l’envers, je revois contraint
Défiler ma tendre aventure
Y’a que le train
Ô vous les aiguilleurs de terre
Les cheminots, les malandrins
Pour voyager jusqu’à Cythère
Y’a que le train ?

Que vienne l’heure des pissenlits
S’il vous plaît que je meure en train
De dormir dans vos wagons-lits
Y’a que le train
Ou plutôt puisqu’il n’y a plus
Personne pour chauffer mes reins
Ni toi pour me passer dessus
Y’a que le train

Le compte à la craie (Rémo Gary / Joël Clément)

Sur l’ardoise de nos secrets
Je viens faire le compte à la craie
Je viens solder tous les remords
Tout ce qui pèse et ce qui mord
Le temps fait ses agglomérats
D’amours, de naissances, de morts
Et cætera

J’ai, quand j’étais encore gavroche
Tendu des embuscades aux poches
Au fond du tiroir de minuit
Lu la lettre où maman s’ennuie
Vu la photo, nu comme un rat
D’mon père, sur la table de nuit
Et cætera

A l’âge de la grenadine
J’ai tout appris à la sourdine
Les fleurs du mal, et les gros mots
Et les putains, et les homos
Et surtout comment qu’on fera
Pour faire l’amour et des marmots
Et cætera

Y’a plus qu’à couper la ficelle
Aux secrets de polichinelle
Mais quand nos oreilles ont des murs
C’est le corps qui casse l’armure
Pour dire que l’on s’aimera
On va du silence au murmure
Et cætera

Ça prolifère, ça fourmille
Dans les histoires de familles
De tout petits secrets de plume
D’autres lourds comme des enclumes
Si lourds qu’on les emportera
Sous la terre, sous le bitume

Et les croyances et les chimères
Les visions, les serpents de mer
Et les consciences qu’on ausculte
Dans la frayeur des lieux de culte
Les complots qu’on fomentera
Les cabales, les sciences occultes
Et cætera

Sur l’ardoise de nos mensonges
On voudrait tant passer l’éponge
Au nom de quels rois, de quels sacres
On s’arrange de simulacres
Pour les enfants qu’on tortura
Pour les tueries, pour les massacres
Et cætera

Je suis mon plus ancien secret
Et pour me connaître en concret
Faudra creuser, à la renverse
Faudra défricher, mettre en perce
Sur mon pré carré, il faudra
Insister un peu sur la herse
Et cætera

A voile et à vapeur (Rémo Gary / Clélia Bressat-Blum)

C'est des désirs débordants
C'est des taches écarlates
Sur des linges de frégates
C'est des bordées, des bordants
C'est la face et le revers
C'est un cap qui hésite
Entre alcool et Antésite
C'est l'endroit ou c'est l'envers

C'est l'envie et c'est la peur
A voile et à vapeur

C'est mon double ou mon contraire
Mon alter ou mon ego
Je vous aime entre deux eaux
C'est mon miroir dans la mer
Le bateau est ambigu
Des cheminées équivoques
Des mats plantés dans la coque
L'équipage est bien foutu

C'est de l'amour de loupeur
A voile et à vapeur

C'est du partage impossible
Je tire la couverture
A moi toute la voilure !
Je tiens la corde sensible
J'escalade l'horizon
J'oscille entre les deux sexes
Entre concave et convexe
Entre la forme et le fond

Le jeu ne me fait pas peur
A voile et à vapeur

Mon radeau de la cambuse
Mon très doux, ma goélette
Ma chaloupe, ma corvette
Mon moi, si je ne m'abuse
Mon autre genre, ma gouge
Pour mes désirs invertis
Je change, j'intervertis
Je passe du rose au rouge

Et je me sape en sapeur
A voile et à vapeur

C'est des tendresses interdites
C'est des garçons dérobés
C'est des filles culottées
Des amours plus ou moins dites
Ça triche pas et ça flanque
Pas que des coups et des passes
C'est sûr'ment pas des impasses
C'est pas d'l'amour à la manque

Ça trompe que les trompeurs
A voile et à vapeur

Moquez-vous si ça vous hante
Dormez sur vos habitudes
Mourrez sur vos certitudes
Moquez-vous si ça vous chante

Riez si c'est de bon cœur
A voile et à vapeur