Il pleut (Rémo Gary / Joël Clément)
Il pleut, sur les flaques, sur les fontaines
Sur les parapluies, les baleines,
Les nuages pissent leur peine
Il pleut comme une madeleine,
L'eau d'ici nous fait des orages
L'au-delà nous vend ses mirages,
On parle du temps, on s'ennuie
C'est emmerdant comme la pluie, il pleut
Il pleut, partout ça fait des ronds
Ça fait des yeux dans le bouillon,
Ici les gouttières s'engorgent
Les chats ont des chats dans la gorge,
Il mouille sur tout ce qui bouge
Ça baptise mon verre de rouge,
Il pleut des idées pour demain
Ça met de l'eau à nos moulins, il pleut
Les cumulus envoient leurs douches
L'égout a de l'eau dans la bouche,
Les grenouilles dans les bocaux
Grimpent jusqu'au dernier barreau,
On a réveillé Jupiter
Le bureau des pleurs est ouvert,
Le monde est triste, le monde est noir
Il n'a que les cieux pour pleuvoir, il pleut
Il pleut des larmes de croco
Sur des chaussures d'aristos,
C'est du chagrin de crocodile
Quand l'eau dort sous les ponts des villes,
Le ciel a fait donner sa flotte
Et l'on entend des bruits de bottes,
Il tombe de l'eau de boudin
Un temps de cochon ce matin, il pleut
Le ciel a fait donner sa flotte
Et l'on entend des bruits de bottes,
Il tombe de l'eau de boudin
Un temps de cochon ce matin, il pleut
Jour de lessive (Gaston Couté / Gérard Pierron)
Je suis parti ce matin même
Encore saoul de la nuit, mais pris
Comme d'écœurement suprême
Crachant mes adieux à Paris
Et me voilà, ma bonne femme
Oui foutu comme quatre sous
Mon linge est sale, aussi mon âme
Me voilà chez nous
Ma pauvre mère est en lessive
Maman, maman
Maman ton mauvais gars arrive
Au bon moment
Voici le linge où goutta maintes
Et maintes fois un vin amer
Où des garces aux lèvres peintes
Ont torché leurs bouches d'enfer
Et voici mon âme plus grise
Des mêmes souillures, hélas
Que le plastron de ma chemise
Gris, rose et lilas
Refrain
Tout comme le linge confie
Sa honte à la douceur de l'eau
Quand je t'aurai confié ma vie
Malheureuse d'affreux salaud
Ainsi qu'on rince à la fontaine
Le linge au sortir du cuvier
Mère, arrose mon âme en peine
D'"un peu de pitié
Refrain
Au fond du cuvier où l'on sème
Parmi l'eau la cendre du four
Que tout mon linge de bohême
Repose durant tout un jour
Et qu'enfin mon âme pareille
À ce déballage attristant
Parmi ton âme oh ! bonne vieille
Repose un instant
Refrain
Et lorsque tu viendras étendre
Le linge d'iris parfumé
Tout blanc parmi la blancheur tendre
De la haie où fleurit le mai
Je veux voir mon âme encore pure
En dépit de ce long sommeil
Dans la douleur et dans l'ordure
Revivre au soleil
Refrain
Entre poire et fromage (Rémo Gary)
Comme on fait son lit, on se goutte
C'est toujours le premier baiser qui coûte
Sans se connaître davantage
On s'est aimé entre poire et fromage
Juste un en-cas, juste un petit détour
De quoi boucher un petit creux
De quoi boucher un petit creux d'amour
Puis tu m'as dit, viens persévérons
C'est en mangeant, que l'on devient for rond
Moi quand j'étais, papa gâteau
Tu t'alourdissais pour faire des marmots
Et lorsque tu, tu t'absentais soudain
Ça me semblait long comme un jour
Ça me semblait long comme un jour sans pain
Pour s'aimer loin pour que ça dure
On ménageait, quelque peu la nature
Et souvent nous sortions du lit
Avec encore un léger appétit
C'était toujours, toujours le dimanche
Qu'on avait le plus d'amour sur
Qu'on avait le plus d'amour sur la planche.
Ensemble nous avons grossi
Encore un caresse, non, bien vrai, merci
Aime donc, tant que tu voudras
Tu ne sais pas demain qui t'aimera
Trois nuits qu'on s'est
Qu'on s'est pas vu, c'est long
Tu sais, j'ai le désir dans las
Tu sais, j'ai le désir dans les talons
Comme il faut envelopper dans
La nappe ce que l'on dit en mangeant
On a replié dans nos draps
Les miettes d'un amour, repu, déjà
Ensuite on a, on a ripé galoche
Et notre histoire est partie en
Et notre histoire est partie brioche
Et notre histoire est partie brioche
L'escargot (Rémo Gary)
Je suis l'ineffable l'horrible
Le gros limaçon rétractile
Je suis un grand mollusque mou
Cornards comme certains de vous
Hermaphrodite sans vergogne
Petit-gris ou bien de bourgogne
Escargot en plus d'escargote
De quoi faire rougir les bigotes
De quoi faire des envieux partout
De quoi faire baver les jaloux
Je cumule les deux mandats
Deux fonctions comme deux états
Croyez pas que ce soit facile
D'être à la fois garçon et fille
Tout le boulot est pour le même
Je récolte autant que je sème
J'assume mon ambivalence
J'écoute pas la différence
Imaginez sous ma coquille
Lorsque je me nous déshabille
Et que je joue à touche cornes
Je dépasse à l'aise vos bornes
Septième ciel et voie lactée
En bref je prends mon pied
J'en vois là déjà qui fantasment
J'entends des soupirs des spasmes
Je vous entends dire, je m'aime
En vous couchant avec vous-mêmes
Un soir vous demander la main
Pour vous tromper le lendemain
Voyez un peu les privilèges
Les avantages sacrilèges
Que je possède en plus de vous
Quand je vais manger de vos choux
Que je me vautre dans vos fraises
Et que tranquille, je me baise
Mais lorsqu'au détour d'un sillage
Je croise de l'ail sauvage
Que je renifle le persil
Le goût du beurre me vient aussi
Je sens alors la mort qui rôde
Requiem pour gastéropode
Mignonneuse (Rémo Gary)
C'qu'elle était mignonneuse
C'qu'elle était grassouilleuse
Un peu frivale, un rien béchasse
Mais sur sa petite frimasse
Il y avait des taches de roussette
Ca lui f'sait la mine joviette
Avec ses deux grands marrants
Un petit regard polissant, polissant, polissant, polissant
C'qu'elle était mignonneuse
C'qu'elle était grassouilleuse
Comme attiré par un amant
Je l'ai suivi sur le trottant
J'étais déjà dans les vacances
J'étais très haut dans les nuances
Volant parmi les angélus
Au beau milieu des nimbulus, nimbulus, nimbulus, nimbulus
C'qu'elle était mignonnante
C'qu'elle était grassouillante
Intimidé,tout palpiteux
Je lui déclarais mes aveux
J'avais comme un chat dans la glotte
En lui adressant la parlote
J'veux un rendez moi avec vous
Elle me rendait complet'ment flou, complet'ment flou, complet'ment flou
C'qu'elle était mignonnarde
C'qu'elle était grassouillarde
Dans son auto décapotible
Très vite elle a pris la tangible
Elle a détourné les talents
Je suis resté seul sur le trottant
Tout dépitable tout pluvieux
Un peu de crachin dans les yeux, dans les yeux,
Dans les yeux, dans les yeux
C'qu'elle était mignonnasse
C'qu'elle était grassouillasse.
La mémoire et la mer (Léo Férré)
La marée, je l'ai dans le cœur
Qui me remonte comme un signe
Je meurs de ma petite sœur
De mon enfant et de mon cygne
Un bateau, ça dépend comment
On l'arrime au port de justesse
Il pleure de mon firmament
Des années-lumière et j'en laisse
Je suis le fantôme Jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baisers
Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts du sable de la terre
Rappelle toi ce chien de mer
Que nous libérions sur parole
Et qui gueule dans le désert
Des goémons de nécropole
Je suis sûr que la vie est là
Avec ses poumons de flanelle
Quand il pleure de ces temps-là
Le froid tout gris qui nous appelle
Je me souviens des soirs là-bas
Et des sprints gagnés sur l'écume
Cette bave des chevaux ras
Au ras des rocs qui se consument
Ô l'ange des plaisirs perdus
Ô rumeur d'une autre habitude
Mes désirs dès lors ne sont plus
Qu'un chagrin de ma solitude
Et le diable des soirs conquis
Avec ses odeurs de rescousse
Et le squale des paradis
Dans le milieu mouillé de mousse
Reviens fille verte des fjords
Reviens violon des violonades
Dans le port fanfarent les cors
Pour le retour des camarades
Ô parfum rare des salants
Dans le poivre feu des gerçures
Quand j'allais géométrisant
Mon âme au creux de ta blessure
Dans le désordre de ton cul
Poissé dans les draps d'aube fine
Je voyais un vitrail de plus
Et toi fille verte mon spleen
Les coquillages figurants
Sous les sunlights cassés liquides
Jouent de la castagnette tant
Qu'on dirait l'Espagne livide
Dieu des granits ayez pitié
De leur vocation de parure
Quand le couteau vient s'immiscer
Dans leur castagnette figure
Et je voyais ce qu'on pressent
Quand on pressent l'entrevoyure
Entre les persiennes du sang
Et que les globules figurent
Une mathématique bleue
Dans cette mer jamais étale
D'où nous remonte peu à peu
Cette mémoire des étoiles
Cette rumeur qui vient de là
Sous l'arc copain où je m'aveugle
Ces mains qui me font du fla fla
Ces mains ruminantes qui meuglent
Cette rumeur me suit longtemps
Comme un mendiant sous l'anathème
Comme l'ombre qui perd son temps
À dessiner mon théorème
Et sous mon maquillage roux
S'en vient battre comme une porte
Cette rumeur qui va debout
Dans la rue aux musiques mortes
C'est fini la mer c'est fini
Sur la plage, le sable bêle
Comme des moutons d'infini
Quand la mer bergère m'appelle
Sous le tissu (Rémo Gary / Jean François Baëz)
Sous le, sous le tissu
Entre elle et le, drap de dessus
La où, mes mains trouvent une issue
Sous le coton où mon, cœur
A son mousqueton
Là où sa peau devient moussue,
Sous le, sous le tissu
Là où son corps devient fessu
Là où, son dos devient cossu,
Là où sous le coton,
L'amour est glouton
Où ma bouche se fait sangsue,
Quand je regarde à ton insu
Tes seins valser sous le tissu
Sous ton jean en coton
Dansent deux mamelons
Quand, tu fais des huit avec ton cul,
Sous le, sous le tissu
Où tu me trouves, un peu ossu
Où je te trouve un peu cuissue
Sous le coton où l'on a
Fait nos rejetons
Sous la toile où l'on a concu
Quand je regarde à ton insu
Tes seins valser sous le tissu
Sous ton jean en coton
Dansent deux mamelons
Quand, tu fais des huit avec ton cul,
Sous le, sous le tissu
Parfois comblé, parfois déçu
Un coup, dessous un coup dessus
Sous le coton, mettons
Nos viandes au torchon
Et dormons comme des massues
Quand je regarde à ton insu
Tes seins valser sous le tissu
Sous ton jean en coton
Dansent deux mamelons
Quand, tu fais des huit avec ton cul.
Syramorte (Jacques Prévert / Henri Salvador)
(parodie de Syracuse et des feuilles mortes)
Oh! j'aimerais tant que tu vois Syracuse
Des jours où nous étions amis
En ce temps, la vie était belle
Le soleil plus chaud qu'aujourd'hui
Les feuilles mortes se ramassent à
La pelle tu vois, je n'ai pas ou-
Blié les feuilles mortes se ramassent
Les souv'nirs les regrets aussi
Et le vent du nord les emporte
Dans la nuit froide de l'oubli
Tu vois je n'ai pas oublié-é
La chanson que tu me chantais.
C'est une chanson qui nous ressemble
Toi qui m'aimais et je t'aimais
Nous vivions tous les deux ensemble
Toi qui m'aimais moi qui t'aimais
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment
Tout doucement sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.
C'est une chanson qui nous ressemble
Toi qui m'aimais moi qui t'aimais
Nous vivions tous les deux ensemble
Toi qui m'aimais moi qui t'aimais.
En un mot comme en cent (Rémo Gary / François Grinand)
Quand nos baisers font des bulles
Quand on partage nos globules
Quand j't'ai dans les yeux, dans le sang
Quand je t'ai dans la peau
En un mot comme en cent
Quand je t'ai dans les mots
Si entre nous y'a plus rien
On vit à la colle, ça tient
Nos atomes sont plutôt crochus
Quand les mots sont absents
En un mot comme en cent
Quand les mots sont fourchus
Crayon cassé, mine de fièvre,
Des mots de plomb sur l'bout des lèvres
Que cent fois je taille entre mes dents
Des nuits froissées, trop longues
En un mot comme en cent
Quand tu es dans mes songs
Y'a pas d'défense pour l'amour
Nos cellules s'aiment au grand jour
Où y'a des gènes y'a du plaisir
Quand je t'ai dans les reins
En cent mots comme en un
Je t'aime comme je respire
Pour t'écrire des chansons douces
N'import'quoi pourvu qu'ça touche
Je m'embarque sur le papier blanc
S'il termine en bateau
En un mot comme en cent
C'est jeter l'encre à l'eau
Crayon cassé, mine de fièvre,
Des mots de plomb sur l'bout des lèvres
Que cent fois je taille entre mes dents
Des nuits froissées, trop longues
En un mot comme en cent
Quand tu es dans mes songs
L'amour a besoin de latex
C'est pour pas le mettre à l'index
Nous on se va si bien, comme un gant
Quand je t'ai dans mes mains
En un mot comme en cent
Les mots sont importants
Les oiseaux de passage (Jean Richepin / Georges Brassens)
C'est une cour carrée et qui n'a rien d'étrange :
Sur les flancs, l'écurie et l'étable au toit bas :
Ici près, la maison : là-bas au fond la grange
Sous son chapeau de chaume et sa jupe en plâtras.
Le bac, où les chevaux au retour viendront boire,
Dans sa berge de bois est immobile et dort.
Tout plaqué de soleil, le purin à l'eau noire
Luit le long du fumier gras et pailleté d'or.
Loin de l'endroit humide où gît la couche grasse
Au milieu de la cour, où le crottin plus sec
Riche de grains d'avoine en poussière s'entasse
La poule l'éparpille à coups d'ongles et de bec.
Plus haut entre deux brancards d'uns charrette
Un gros coq satisfait, gavé d'aise, assoupi,
Hérissé, l'œil mi-clos recouvert par la crête,
Ainsi qu'une couveuse en boule est accroupi.
Des canards hébétés voguent, l'œil en extase
On dirait des rêveurs, quand soudain, s'arrêtant
Pour chercher leur pâture au plus vert de la vase
Ils crèvent d'un plongeon les moires de l'étang.
Sur le faîte du toit, dont les grises ardoises
Montrent dans le soleil leurs écailles d'argent,
Des pigeons violets aux reflets de turquoise
De roucoulements sourds gonflent leur col changeant.
Leur ventre bien lustré, dont la plume est plus sombre,
Fait tantôt de l'ébène et tantôt de l'émail,
Et leurs pattes, qui sont rouges parmi cette ombre,
Semblent sur du velours des branches de corail.
Au bout du clos bien loin, où vont paître les oies,
Et vaguer les dindons noirs comme des huissiers
Oh ! qui pourra chanter vos bonheurs et vos joies
Rentiers, faiseurs de lard, philistins épiciers ?
Ô vie heureuse des bourgeois, qu'avril bourgeonne
Ou que décembre gèle, ils sont fiers et contents
Ce pigeon est aimé trois jours par sa pigeonne,
Ça lui suffit, il sait que l'amour n'a qu'un temps.
Ce dindon a toujours béni sa destinée.
Et quand vient le moment de mourir, il faut voir
Cette jeune oie en pleurs : "c'est là que je suis née
Je meurs près de ma mère et j'ai fait mon devoir."
Son devoir ! c'est-à-dire elle blâmait les choses
Inutiles, car elle était d'esprit zélé :
Et, quand des papillons s'attardaient sur des roses,
Elle cassait la fleur et mangeai l'être ailé.
Elle a fait son devoir ! C'est-à-dire que oncques
Elle n'eut de souhait impossible, elle n'eut
Aucun rêve de lune, aucun désir de jonque
L'emportant sans rameur sur un fleuve inconnu.
Elle ne sentit pas lui courir sous la plume
De ces grands souffles fous qu'on a dans le sommeil,
Pour aller voir la nuit comment le ciel s'allume
Et mourir au matin sur le cœur du soleil.
Et tous sont ainsi faits, vivre la même vie
Toujours, pour ces gens-là, cela n'est point hideux.
Ce canard n'a qu'un bec, et n'eut jamais envie
Ou de n'en plus avoir, ou bien d'en avoir deux.
Aussi comme leur vie est douce, bonne et grasse !
Qu'ils sont patriarcaux, béats, vermillonnés,
Cinq pour cent ! quel bonheur de dormir dans la crasse,
De ne pas voir plus loin que le bout de son nez !
N'avoir aucun besoin de baiser sur les lèvres,
Et, loin des songes vains, loin des soucis cuisants,
Posséder pour tout cœur, un viscère sans fièvres,
Un coucou régulier et garanti dix ans !
Oh ! les gens bienheureux ! Tout à coup, dans l'espace,
Si haut qu'il semble aller lentement d'un grand vol
En forme de triangle arrive, plane et passe.
Où vont-ils ? Qui sont-ils ? Comme ils sont loin du sol !
Les pigeons, le bec droit, poussent un cri de flûte
Qui brise les soupirs de leur col redressé
Et sautent dans le vide avec une culbute.
Les dindons d'une voix tremblotante ont gloussé.
Les poules picorant ont relevé la tête.
Le coq, droit sur l'ergot, les deux ailes pendant,
Clignant de l'œil en l'air et secouant la crête,
Vers les hauts pèlerins pousse un appel strident.
Qu'est-ce que vous avez, bourgeois ? Soyez donc calmes.
Pourquoi les appeler, sot ? Ils n'entendront pas.
Et d'ailleurs eux qui vont vers le pays des palmes,
Crois-tu que ton fumier ait pour eux des appas ?
Regardez les passer ! Eux ce sont les sauvages.
Ils vont où leur désir le veut, par-dessus monts,
Et bois et mers et vents, et loin des esclavages.
L'air qu'ils boivent ferait éclater vos poumons.
Regardez-les ! Avant d'atteindre la chimère
Plus d'un l'aile rompue et du sang plein les yeux,
Mourra. Ces pauvres gens ont aussi femmes et mère,
Et savent les aimer aussi bien que vous, mieux.
Pour choyer cette femme et nourrir cette mère,
Ils pouvaient devenir volailles comme vous.
Mais ils sont avant tout des fils de la chimère,
Des assoiffés d'azur, des poètes, des fous.
Ils sont maigres meurtris, las harassés. Qu'importe !
Là-haut chante pour eux un mystère profond.
À l'haleine du vent inconnu qui les porte
Ils ont ouvert sans peur leurs deux ailes. Ils vont.
La bise contre leur poitrail siffle avec rage.
L'averse les inonde et pèse sur leur dos.
Eux dévorent l'abîme et chevauchent l'orage.
Ils vont, loin de la terre, au-dessus des badauds.
Ils vont par l'étendue ample, rois de l'espace.
Là-bas ils trouveront de l'amour, du nouveau.
Là-bas un bon soleil chauffera leur carcasse
Et fera se gonfler leur cœur et leur cerveau.
Là-bas, c'est le pays de l'étrange et du rêve.
C'est l'horizon perdu par-delà les sommets,
C'est le bleu paradis, c'est la lointaine grève
Où votre espoir banal n'abordera jamais.
Regardez les, vieux coq, jeune oie édifiante !
Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu'eux,
Et le peu qui viendra d'eux à vous c'est leur fiente
Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux.
Tombée de la dernière nuit (Rémo Gary)
Elle était tombée de la dernière nuit
Comme un point vénal à tous mes ennuis
En la regardant dans le rond des yeux
J'ai vu qu'elle avait pris un coup de mieux
Moi qui ne ferais pas de mal à une bouche
Qui fait l'amour à la va comme je te couche
Je l'ai accueillie les draps grand ouverts
Et j'ai commencé le tour de ses rondeurs et de son univers
Pour le haut pas d'histoire, j'ai obtenu carte blanche
Pour ses bas c'était une paire de hanches
C'est à reculons qu'on grimpait aux cieux
Moi qui n'aurait fait ni une ni Dieu
Par la suite ne pouvant contenir nos élans
Sur cet épisode, j'ai dû mettre le carré blanc
Tellement tous les deux nous avons ......
........................................ c'était bon
Nous écoutions Gerschwin autour d'un Téppaz
Je savais qu'il y avait de l'eau dans le... jazz
J'n'ai jamais su si elle avait trouvé
Quand elle partie plaisir à son pied
J'ai tout fait pour ne plus y penser en tout cas
N'pas prendre sa généralité pour un cas
Mais quand je repense au rond de ses yeux
À chaque fois ça me fait mal, je prends un sacré coup de vieux
Elle était tombée de la dernière nuit.
Image en noir et blanc (Rémo Gary / Joël Clément)
Un baiser Doisneau,
Une arrivée de moineaux,
Une image en noir et blanc,
Sur un banc.
Un talon qui claque,
Qui éparpille les flaques,
Et qui casse sur le coup,
Dans l'égout.
Une assiette anglaise,
Dix francs de diabolo fraise,
Qui font un bruit de carlingue,
Sur le zinc.
Un baiser Doisneau,
Une arrivée de moineaux,
Une image en noir et blanc,
Sur un banc.
Un appel de phare,
Dans un troupeau de chauffards,
Un clin d'œil métallisé,
Assuré.
Un regard fugace,
Une pincée d'amour qui passe,
L'envie change de trottoir,
C'est trop tard.
Un baiser Doisneau,
Une arrivée de moineaux,
Une image en noir et blanc,
Sur un banc.
Un homme pressé,
Un pigeon s'est envolé,
Il restera bien du pain,
Pour demain.
Une affaire en or,
Un autre pigeon picore,
Qui perd ce qu'il a gagné,
Déplumé.
Un baiser Doisneau,
Une arrivée de moineaux,
Une image en noir et blanc,
Sur un banc.
Et voila Monroe,
Marilyn avec sa mouche,
Qui vous passe sur la bouche,
Du métro.
Ma montre retarde,
On va croire que je clocharde,
On va dire que j'ai traîné
Faut rentrer.
Viol de nuit (Rémo Gary / Jean Pierre Caporossi)
Cinq semaines avec tes ballons
Le tour de ton monde, c'est bon
Les apparences, il faut s'y fier
Tiens voilà les deux Montgolfier.
On prend le temps, on est dimanche
Ta main traverse ma manche
Blériot c'est en mille neuf cent neuf
Avec du vieux, on fait du neuf.
A force de s'envoyer en l'air
Sûr on va s'abîmer en mer,
J'trouve pas la chute
Signore Léonard de Vinci
Pour avoir inventé, merci, le parachute.
Je plane jusqu'à ton delta
Y'a-t-il un pilote dans les draps
On part pour un viol de minuit
On relit St Exupéry,
Deux ailes en plumes d'édredon
On s'en va pour le grand frisson
Et l'avion décolle le cul
Le mythe d'Icare a vécu.
A force de s'envoyer en l'air
Sûr on va s'abîmer en mer,
J'trouve pas la chute
Signore Léonard de Vinci
Pour avoir inventé, merci, le parachute.
La place rouge, un vieux coucou
Le baron noir est à Moscou
Sur la place blanche du lit
Atterrissons sans faire de bruit.
Un croissant de lune trempée
Dans un nuage de voie lactée
On a le cœur comme une tartine
C'est grâce à Youri Gagarine
A force de s'envoyer en l'air
Sûr on va s'abîmer en mer,
J'trouve pas la chute
Signore Léonard de Vinci
Pour avoir inventé le parachute, merci.
Transport amoureux (Rémo Gary)
J'arrive en premier sur le quai
Je l'attends, mais je n'ai pas le ticket
On prend le train à la même heure
Dans le compartiment fumeur
Il me semble depuis le temps
Que je la connais et pourtant
Attention un amour peut en cacher un autre
Comme le train à grande vitesse
Nous oblige à des rencontres express
J'aimerais qu'un jour, on déraille
Ou qu'on prenne un vieil autorail
J'ai malgré tout cent fois le temps
De lui dire je t'aime et pourtant
Attention un amour peut en cacher un autre
De son sac, elle ressort dix fois
Des lettres qu'elle relit et quelquefois
Perle à son œil comme une larme
Je tire le signal d'alarme
Et j'espère qu'en paniquant
Elle viendra peut-être un instant
Dans mes bras, un amour peut en cacher un autre
Chaque fois que passe un tunnel
Je songe à des contacts plus charnels
Chaque fois qu'on s'arrête en gare
Je cherche à croiser son regard
Mais je vois dans ses yeux distants
Qu'elle pense à lui tout le temps
Attention un amour peut en cacher un autre
Ce matin elle n'arrive pas
Je la guette jusqu'au bout vitre en bas
A-t-elle manqué l'heure ou alors
Changé de moyen de transport
Demain dans le compartiment
Si elle ne vient pas j'ouvre en grand
La fenêtre un amour peut en cacher un autre
Alors pour ultime transport amoureux
J'me jette dehors, un amour peut en casser un autre