Rémo Gary

Paroles

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Ouvre

Ouvre les yeux, réveille-toi
Ouvre l’oreille, ouvre ta porte
C’est l’amour qui sonne et c’est moi
Qui te l’apporte           

Ouvre la fenêtre à tes seins
Ouvre ton corsage de soie
Ouvre ta robe sur tes reins
Ouvre qu’on voie

Ouvre à mon coeur ton coeur trop plein
J'irai le boire sur ta bouche
Ouvre ta chemise de lin
Ouvre qu'on touche

Ouvre les plis de tes rideaux
Ouvre ton lit que je t'y traîne
Il va s’échauffer sous ton dos
Ouvre l’arène

Ouvre tes bras pour m’enlacer
Ouvre tes seins que je m’y pose
Ouvre aux fureurs de mon baiser
Ta lèvre rose

Ouvre tes jambes : prends mes flancs
Dans ces rondeurs blanches et lisses
Ouvre tes deux genoux tremblants
Ouvre tes cuisses

Ouvre tout ce qu’on peut ouvrir
Dans les chauds trésors de ton ventre
J’inonderai sans me tarir
L’abîme où j’entre

Ouvre les yeux, réveille-toi
Ouvre l’oreille, ouvre ta porte
C’est l’amour qui sonne et c’est moi
Qui te l’apporte

Paroles  : Edmond Haraucourt / Musique : Laurent Rualten

Faire quelque chose avec la tristesse

Parler encore et mieux des sujets les plus sombres
Des mines, des cachots, du plomb, du noir, de l’ombre
Du charbon, du passé, des morts et de la nuit
Du vacarme que font les corps quand ils s’ennuient
Avec des mots nouveaux, de première tendresse
Faut bien faire quelque chose avec la tristesse

Vous chanter les bateaux fiancés des naufrages
Et les amours déchus, les pleurs et les mouillages
Vois les peines perdues, les peines retrouvées
Vois les langues qui fourchent sans avoir su tourner
Et des coups à l’endroit où faudrait des caresses
Faut bien faire quelque chose avec la tristesse

Et comment on peut perdre le goût de l’eau, du pain
Et comment on peut être orphelin de copain
Dépouillé de voisin, d’amour et de maison
Comment parfois l’hiver fait les quatre saisons
Qu’on donnerait sa peau pour une heure de jeunesse
Faut bien faire quelque chose avec la tristesse

On parle de pain sec et l’on sent le gâteau
En remuant la plaie on sent mieux le couteau
Celui que l’on pourrait serrer entre les dents
Pour aller voir la mort et lui foutre dedans
Avec des mots nouveaux, de première tendresse
Faut bien faire quelque chose avec la tristesse

Je n’arrive plus bien à faire d’autres chansons
Demandez-en à ceux qui sont drôles, qui sont
Définitivement ce que l’on veut pour eux
Qui disent sans frémir que tout va pour le mieux
Et qui sauraient trouver plein de délicatesse
S’ils tentaient quelque chose avec la tristesse

Parler encore et mieux des sujets les plus sombres
Et un jour se guérir du plomb, du noir, de l’ombre
Peut-être que chanter ça sert de pansement
Chanter des mots qui pensent, autant dire pensement
Où sont, où sont ces mots de première tendresse
Et qui font quelque chose avec la tristesse

Paroles : Rémo Gary
Musique et arrangement : Joël Clément

Idées reçues

J’aime les idées reçues
Seulement je n’en reçois plus
Plus assez
L’âge édifiant des étrennes

L’âge éclairant des marraines
A passé

Où est Olympe de Gouge
Et Louise la vierge rouge
Et Rosa
Oh ! les beaux nominatifs
L’avenir, le génitif
Le voilà

Oh ! Belles apprenties sorcières
Qui déroulèrent en premières
L’écheveau
On passe sa vie entière
A faire l’arpette en matière
De cerveau

J’aime les phrases toutes faites
Les jolis slogans des fêtes
Y’en faut plein
Des mots qu’on dit révolus
Sont nos planches de salut
Nos tremplins

Les tempêtes de l‘histoire
Si c’est ça la mer à boire
Eh bien, buvons
Même si c’est en pure perte
A la moindre porte ouverte
Enfonçons

Car c’est nous qui sont la foule
Car c’est nous qui font la houle
C’est couru
Vive les lapalissades
Faites pour les barricades
Pour les rues

J’aime bien les lieux communs
Seulement j’n’en croise plus bien
Plus beaucoup
Plus de Bourse du travail
Les bourses n’ont rien qui vaillent
Que des sous
Plus de maison citoyenne
Plus de raison mitoyenne
Plus d’abri

Le vers a mangé la prune
Beaucoup de branches communes
Sont pourries
Enlevez-moi mes marâtres
Mes castelets, mes théâtres,
Mes troquets
Alors je suis en errance
Alors je perds ma conscience
Mon criquet

Oh ! Belles apprenties sorcières
Qui déroulèrent en premières
L’écheveau
On passe sa vie entière
A faire l’arpette en matière
De cerveau

Paroles et musique : Rémo Gary

Jouons les empêchés

Restons planqués dans notre planque
Ça évitera qu’on se manque
Beaucoup, de peu, passionnément
Ça évitera qu’on se ment
Pour vivre heureux, vivons cachés
Jouons les empêchés

Ne vas pas entre bouche et verre
Te sauver au diable vauvert
Qu’on paillassonne, qu’on flemmarde
Qu’on pantoufle, qu’on baboucharde
Jusqu’à tes cent ans bien crachés
Jouons les empêchés

Ne pars pas sur un coup de tête
Fais pas le coup des allumetes
Ne noircis plus ton agenda
Ne vas plus à hue et à dia
Arrête de te dépêcher
Jouons les empêchés

Entre la poire et le fromage
Ne conçois plus aucun voyage
Ne rêve plus d’Eldorado
Je lirai par-dessus ton dos
Les romans que t’as pas touchés
Jouons les empêchés

Dans notre voyage au long cours
Tu m’as quitté deux fois par jour
Se séparer c’est révolu
S’il te plait, ne me quitte plus
Arrête de te rabâcher
Jouons les empêchés

Regarde ailleurs comme on te traite
Ce qu’ils ont fait de nos retraites
Des coupes à grands coups de merlin
Ici l’amour est à taux plein
Et le travail est tout mâché
Jouons les empêchés

Depuis qu’on a nos annuités
On profite de nos nuitées
Si l’on n’y franchi plus l’Everest
Dans l’art d’accommoder nos restes
Je vois un joli débouché
Jouons les empêchés

Paroles : Rémo Gary
Musique et arrangement : Clélia Bressat-Blum

Espoir Benjamin

Rappelle toi les oeillets
Lusitains
La fleur de mariposa
Des cubains
Les cerises de Clément
Le beau fruit de ralliement
Adopté communément
En refrain

Rappelle toi  les bleuets
De la butte
L’églantine, le  muguet
De nos luttes
Là, on a eu du jasmin
Ça fait des fleurs plein les mains
C’est de l’espoir benjamin
Qui débute

Oh ! que revienne le temps
Du lilas
Tulipes au Kirghizistan
Les voilà
Toutes ces flores poussées
Les dictatures repoussées
Les magnifiques pensées
Que voilà
Les roses pourpres du Caire
De Sétif
Tous les peuples renversant
Leurs Califes
On est comme des gamins
On est les fils du jasmin
Benyasmine ou Benjamin
C’est du kif

Après cinquante ans parbleu
La revanche
Le ciel profondément bleu
Des pervenches
Oh ! la bella matina
Sur toutes les médina
Les parfums des Yasmina
Qui s’épanchent
Si le désert redevient
Terre arable
Si les roses ne sont plus roses
De sable
En Égypte, en Tunisie
Comme eux la fleur au fusil
Tentons notre poésie
Notre fable

Les fleurs, les révolutions
Ça s’arrose
Sans répit, sans rémission
Pas de pause
Sinon ça sèche sur pied
Ça moisit dans un herbier
C’est mort et c’est enterré
Pour la cause
La fleur d’orange nous vint
De l’Ukraine
Par ici, je ne vois rien
Qui advienne
Dis moi donc vieux foutriquet
Je choisis dans quel bouquet
Quel surnom, quel sobriquet
Pour la mienne

Là, des bottes retentissent
Sur les clous
Là, des barbes refleurissent
Sur les fous
Mais nul ne pourra demain
Nous interdire le jasmin
Et qu’arrive son parfum
Jusqu’à nous
Le bon parfum des bleuets
De la butte
De l’églantine, du muguet
De nos lutte
Là, on a eu du jasmin
Ça fait des fleurs plein les mains
C’est de l’espoir benjamin
Qui débute

Paroles et musique : Rémo Gary

Les feuilles à l’envers

Nous n’en sommes qu’au mois d’avril
Ne te découvre pas d’un fil
Si j’ai mis notre amour en touche
J’en garde pour ta bonne bouche
Fais-moi juste copain-copain
Pose-moi de nombreux lapins
Ne te découvre pas d’un fil
Nous n’en sommes qu’au mois d’avril


Tu m’f’ras voir les feuilles à l’envers
Lorsqu’on aura tué l’hiver  (bis)

Y’a encore des nuits à brûler
Y'a la lune à renouveler
Laissons l’eau couler sous le lit
L’amour est encore dans les plis
On marche encore à pas de feutre
Nos draps sont blancs, nos draps sont neutres
Y'a la lune à renouveler
Y’a encore des nuits à brûler

Tu m’f’ras voir les feuilles à l’envers
Lorsqu’on aura tué l’hiver  (bis)

On n'en a plus pour cent sept ans
Laissons trépigner le printemps
Il décante les choses tendres
Surtout dépêchons nous d’attendre
Je relève la tête au vent

Le désir reprend les devants
J'ai pris mon mal en impatience
J’ai mis, par acquis de confiance
Une croix sur le calendrier
J'ai mis tes lapins en clapiers
Le désir reprend les devants
Je relève la tête au vent

Tu m’f’ras voir les feuilles à l’envers
Lorsqu’on aura tué l’hiver  (bis)

Paroles : Rémo Gary
Musique : Romain Didier

Ma femme de chevet

Ma femme de chevet
Ton bouquin, je l’avais
Choisi depuis longtemps
Sur les pages coquines
Où je te rebouquine
Je passe du bon temps
Ma femme de papier
J’effeuille tes feuillets
C’est toute une folie
Des pieds, des arguments
Et des enjambements
Quand on se défolie

On est comme des broches
On se monte, on se broche
On se soutient beaucoup
Imprimeur, imprime
Fais-moi trouver la rime
On est deux sur le coup

Ma femme de Canson
Tu relis mes chansons
Mes brouillons d’inculture
Je fais des liens, je noue
Je dis je pour dire nous
C’est de la reliure
Ma compagne de poche
J’ai fait quelques encoches
J’ai marqué quelques pages
Nos tissus sont froissés
Nous avons ressassé
Nos noces d’emballage

On est comme des broches
On se monte, on se broche
On se soutient beaucoup
Imprimeur, imprime
Fais-moi trouver la rime
On est deux sur le coup

Mon épouse de soie
C’est en donnant de soi
Qu’on noircit le vélin
Des cocons, des coquilles
Ça fabriquait des filles
Ça fabrique plus rien
Parfois c’est un pavé
Ma femme de chevet
Sans rythme, sans bagarre
Un roman policé
Sans mort, ni sang versé
C’est de l’amour de gare

On est deux sur le coup

Les nuits d’encre de Chine
Je frotte mon échine
La viande est au torchon
Et quand vient l’heure des poules
Je souffle sur l’ampoule
Voilà le colophon

Depuis qu’on est des broches
Qu’on se monte, qu’on se broche
La ficelle est usée
Imprimeur, imprime
Fais- moi trouver la frime
Le livre est épuisé

Paroles : Rémo Gary
Musique et arrangement : Joël Clément

Canuse, chenuse

Comment fait-on pour dissoudre
Le travail et la chaîne
Comment fait-on pour découdre
La chanson et la peine

Canuse chenuse
Chenuse  canuse

Ma vieille, ma quintaïeule
Mon ancêtre de voix
Tendre comme du tilleul
On est du même bois
Ma mésange, ma bruante
Un mauvais vent nous pousse
Comment remonter les pentes
Où sont nos buttes rousses

Chenuse canuse

Apprends-moi, syndicaliste
À jouer aux marottes
Rajoute-moi sur la liste
Des gones et des fenottes
Non, la poche de la fronde
N’est toujours pas cousue
Et le linceul du vieux monde
N’est pas encore tissu

Canuse chenuse

Comment fait-on pour dissoudre
Le travail et la chaîne
Comment fait-on pour découdre
La chanson et la peine

Canuse chenuse
Chenuse  canuse

Paroles : Rémo Gary
Musique et arrangement : Frédéric Bobin

Ce que ceux-là voulaient pour nous

André Pierre Dac
Robert le diable
Et Alberti
Et Machado
Les deux Aubrac
Inséparables
Et Vanzetti
Avec Sacco
Et Jean Richepin
Mon camarade
Garcia Lorca
Germaine Tillon
Alphonse Baudin
Les barricades
Che Guevara
François Villon

On devrait être
Ce que ceux-là
Voulaient pour nous

Et Louis Lecoin
Le pacifiste
Et Pierre Sémard
Le chemineux
Eugène Varlin
Vrai socialiste
Un communard
Dix communeux
Et Montéhus
Et Allende
Et Victor Bach
Et Robespierre
Jehan Rictus
Eugène Pottier
Et tous les da-
Mnés de la terre

On devrait être
Ce que ceux-là
Voulaient pour nous
Dans le maquis
De cette liste
Y’a Jules Durand
Le charbonnier
Il y a Blanqui
Et ses blanquistes
Le paysan
Gaston Couté

J.B. Poquelin
Tombé en scène
Et Debronckart
Ferrat, Léo
Et Gilles Tautin
Mort dans la Seine
Deux Marx Brothers
Karl et Groucho

Pauvre étudiant
Pauvre Oussekine
René Dumont
Pierre Overnay
Et Manouchian
Son orpheline
Et Aragon
Ses triolets

Et des Fanon
Et des Victor
Gustave Courbet
Maïakovski
D’autres Léon
D’autres mentors
Et des Reclus
Et Bouazizi

Et Guy Moquet
Vincent Van Gogh
Et Victor Serge
Et Néruda
Au bord du quai
Du catalogue
Presque 100 berges
Y’a Mandela

Et Bakounine
La Luxemburg
Et des femen
Flora Tristan
Clara Zedkine
De Méricourt
Sablon Germaine
Les partisans

Des Jean Moulin
Des Jean Jaurès
Deux Béranger
François, Pierre-Jean
Leprest Allain
Et Jules Vallès
Des insurgés
Plein d’autres gens

On devrait être
Ce que ceux-là
Voulaient pour nous

Et Louise Michel
Et des Canaques
Et des Canuts
Et des Canuses
Et Georges Orwell
Et Jan Palach
Plein d’inconnus
Plein d’inconnuses

On devrait être
Ce que ceux-là
Voulaient pour nous
On devrait être
Ce que ceux-là
Voulaient pour nous

Paroles  et musique : Rémo Gary

Comme un lundi

Ça s’est passé un dimanche
Il pleut, il pleut sur ma manche
Je suis plus vieux d’un copain
Qu’avait plus le goût du pain
Plus de goût pour le malheur
Plus beaucoup de ventre au cœur
Qu’avait plus de corps, ou presque
Je fais du Allain Lepresque

Quelque part après minuit
Il a bien plu sur mes nuits
Je l’ai appris au matin
Il avait bu son bulletin
De naissance, comme on dit
J’ai pissé tout mon lundi
Du chagrin crocodilesque
Je fais du Allain Lepresque

Ecoutez frères humains
La pluie me tombe des mains
Je suis plus vieux d’un Villon
Qui abreuvait mon sillon
Et ses chansons à la mer
Sont belles, comme Outremer
Sont les révoltes arabesques
Je fais du Allain Lepresque

Dis le pas, c’est défendu
Je suis plus vieux d’un pendu
La pluie quand ça pleut beaucoup
Ça vous rentre dans le cou
Arthur aurait pu le dire
Le temps, pour les dépendire
Est abracadabrantesque
Je fais du Allain Lepresque

Ça s’est passé un dimanche
Il m’a tant plu sur la manche
D’un chanteur je suis plus vieux
Ça m’occupe encore les yeux
Ça sert à rien mais depuis
Je chante comme un lundi
Et je me demande est-ce que
Je fais du Allain Lepresque

On n’a pas le choix des larmes
Changeons le chagrin en armes
Chantons, va ça séchera
Mouchons nous dans des grands draps
Nous qu’on n’est pas déjà mort
Pour nos amours, nos amor
J’inverse, c’est pas malin
Faisons du Lepresque Allain

Paroles : Rémo Gary
Musique et arrangement : Clélia Bressat-Blum
Instruments : Clélia Bressat-Blum

Tostes

Je bois aux as aux astrologues
Aux escobars aux avortons
Aux époux du grand catalogue
Aux galifards aux marmitons
Je bois aux fils de l’Harmonie
Aux fieux aux féaux d’Apollon
Aux vieux ressorts de l’ironie
À l’âme de bois des violons
Je bois la caravane passe
Je m’évade de mes prisons
Et je me perds dans les espaces
Jusqu’aux barreaux de l’horizon
Je bois comme un trou un trouvère
Comme quatre affreux frelampiers
À tous les brocs les quarts les verres
Et je danse sur mes deux pieds

Je bois dans les mains de Lalique
Et dans les vases de Gallé
Les murs me donnent la réplique
Je n’ai pépie ni bec salé
Je bois aux amours de naguère
Je bois aux amours de tantôt
À la paix des entre-deux-guerres
À l’âne du roi d’Yvetot
Je bois aux jacques et aux gilles
Aux flambeaux de saint Mathurin
Aux naufragés de l’Évangile
Aux anges légers de deux grains
Je bois aux valets aux meschines
À la trame des traminots
Aux damnés de l’orde machine
Aux pas de deux des dominos


Je bois à la Mort qui savoure
Outre mesure mes bons mots
Les beaux récits de mes bravoures
De grime aigri de gris grimaud
Je bois en hâte à mes prochaines
Escapades hors de ce temps
Où les dieux bénissent les chaînes
Et bottent les culs pénitents
Je bois aux onze mille vierges
Je bois au retour des soldats
Je bois à la clarté des cierges
À la Rose et au Réséda
Gueux de la foire Saint-Ovide
Mille sabots mille sabords
Nos six aunes de boyaux vides
Emplissons-les de piot ras bords

Je bois à la mienne à la vôtre
Je bois à la tienne à la leur
Je lève des pots aux apôtres
Le coude avec des querelleurs
Je bois aux bijoux aux fanfioles
Des filles folles de l’été
Aux fées noyées au fond des fioles
Aux mendiantes en gaieté
Je bois à même la bonbonne
Le baril et le tonnelet
Je bois à même mon trombone
J’ai mis au clou mon gobelet
Je bois aux oiseaux de passage
Aux miséreux de Richepin
Je bois aux fous je bois aux sages
Aux poudres de perlimpinpin

Je bois comme un trou un troubade
Et je fume comme un sapeur
Je bois aux troublantes tribades
Je bois aux trois-quarts de mes peurs
Je bois du doux et du sévère
Une eau-de-vie bien de chez nous
Je suis fidèle à mon calvaire
La mer murmure à mes genoux
Je bois cul sec mes héritages
Sur les zincs mats dans les bordels
Dans les bouibouis de bas étage
Où je sirote des rondels
Je bois dans tous les bars au barde
À l’aède au trousseur de vers
Et je fais rimer hallebard
Avec eustache et revolver

Je bois je bois gars aux gavaches
Je bois garçonnes aux gaveaux
À tous ceux qui crient Mort aux vaches
Ceux qui tiennent le caniveau
Je bois aux abbés aux bécasses
Je marchande mes abatis
J’imbibe ma frêle carcasse
De Bandol et de Frascati
A la fontaine d’Hypocrène
Je bois, j’y boirai tout mon saoul
Avant que la soif me reprenne
Muse, ouvre moi tes noirs dessous
Que n’ai-je un estomac d’autruche
Une éponge dans le gosier
J’avalerais charrettes cruches
Tonnes tonneaux foudres casiers

Je bois je boite comme un chantre
Entre Montparnasse et Bercy
En cherche de la plus proche antre
C’est le plus grand de mes soucis
Je bois pour les yeux d’Aphrodite
De Saint-Eustache à Saint-Merry
Le vin est bu la messe est dite
Pascal a perdu son pari
Je bois sous les bois de justice
Sous le hachoir d’un des Deibler
Pour les mauvais les bons pâtissent
Je rime sur le Pré aux Clercs
Je bois je bois toutes mes rentes
Dans le Paris des années vingt
Dans le Paris des années trente
Dans le Paris des écrivains

Sans boussole sans astrolabe
Je traîne au large un pied marin
Je cloche comme un trissyllabe
Dans un moule d’alexandrin
Je bois pour oublier mes tares
Je bois pour m’en ressouvenir
Je bois au bois de ma guitare
Qui ne cesse de s’abonnir

Paroles : Robert Vitton
Extrait des « Nuits Rouges  » – le Chasseur abstrait éditeur *
Musique et arrangement : Frédéric Bobin

* Toste :  coup bu à la santé ; en ancien français, le « toste » désignait une tranche de pain grillé (du latin « tostus ») que l’on trempait dans du vin.

Ferme

Ferme les yeux, ferme les doigts
Ferme tes mains, l’amour est morte
Ferme tout, ensommeille-toi
Ferme la porte

Ferme la fenêtre à tes seins
Ferme ta gorge, ferme ta voix
Ferme ta robe sur tes reins
Ferme la soie

Ferme à mon coeur ton cœur trop plein
Ferme la boîte sur la mouche
Ferme ta chemise de lin
Ferme ta bouche

Ferme les plis de tes rideaux
Ferme ton lit, ferme l’arène
Referme aujourd’hui dans ton dos
Ferme la scène

Ferme pour me désenlacer
Ton cœur, tes bras que je me sauve
Ferme aux ardeurs de mes baisers
Ta lèvre mauve

Ferme tes jambes lâche mes flancs
Couvre tes rondeurs blanches et lisses
Ferme tes deux genoux troublants
Ferme les cuisses

Ferme tout ce qu’on peut fermer
Dans les chauds trésors de ton ventre
J’y reviendrai, pour m’abîmer
Ferme ton antre

Ferme les plis de tes rideaux
Ferme ton lit, ferme l’arène
Referme aujourd’hui dans ton dos
Ferme la scène

Paroles  : Rémo Gary
Musique : Laurent Rualten