Rémo Gary

Ponchon et Cie

Année : 2012
Durée : 66'
Réf  POISSON À TIROIR
PAT 2012-1/1

Commander (23 €)  

  • Ouvre (Edmond Haraucourt / Laurent Rualten)
  • La grève noire  (Jules Jouy / Jean François Bidet)
  • Le sonnet de Vincennes (Raoul Ponchon / Jeanne Garraud)
  • Le testament de Pierrot (Xavier Privas)
  • V. Maïakovski, poète (Michèle Bernard)
  • portrait de Raoul Ponchon
  • Le passé ?  (Jacques Bertin)
  • Premier mai  (Henri Max / Clélia Bressat-Blum)
  • La femme battue (Yvan Dautin / Angelo Zurzolo) 
  • Je proteste (Louis Aragon / Lino Léonardi)
  • La chanson de Gavroche (Victor Hugo / Lucien Merer)
  • Lomer (Richard Dsjardins)
  • La chanson de fusils (Gaston Couté / Jeanne Garraud) 
  • Le saut du tremplin (Théodore de Banville / Joël Clément)
  • Sur mon cou (Jean Genet / Hélène Martin)
  • Le poésia es un arma (Gabriel Celaya / Paco Ibanez
  • Le disparu (Robert Desnos / Francis Poulenc)
  • Grain de blé (Jean Richepin / Frédéric Bobin)
  • Quand on est sans pain (Eugène Bizeau / Rémo Gary)
  • Le scupteur et le cerisier (Allain Leprest / Gérard Pierron)

Paroles

Consultez ici l'intégralité des textes des chansons...

Presse

Ce qui est bien avec la chanson passée au tamis des gros labels, c’est que tout est déjà fait, comme un tout-en-un. A de rares et détestables exceptions près, pas besoin de beaucoup réfléchir : tout est déjà pensé pour nous, mâché, sans risque. On n’a plus qu’à payer et s’esbaudir pour justement ne pas regretter d’avoir payé. Tout est calibré, plus petit dénominateur commun, pour aimer ce qu’aime tout le monde, être un dans la masse, un dans la nasse, être normal, adapté à cette société.

Tout autre est Rémo Gary : ce rimailleur pose problème. D’abord parce que son nouveau disque n’en est pas un, comme le précédent d’ailleurs et celui d’avant. C’est un livre – horreur ! – avec un disque dedans. Le livre n’est pas fini, pas passé sous la lame caudine du massicot. Faut tout faire soi-même, au couteau, au cutter, avec le risque de se couper. Une bonne heure de pure manutention, à croire que ce « disque-là » se mérite, qui, tout prétentieux qu’il est, ne s’offre pas au tout venant, premier venu. C’est du Gary et, dès l’entame, c’est participatif.

Supposons : nous venons de résoudre le problème de l’emballage (de presque deux cent pages). Feuilletons… Gary a sollicité nombre d’amis, pour labourer une lancinante question qui le taraude, le tarabuste : à quoi sert la chanson ? Ils sont nombreux à ses côtés à tenter d’y répondre, par un texte, une chanson, une photographie même, en vers comme en prose, parmi lesquels nombre de ses pairs, tant et tant, tant qu’on ne les citera pas ici. Nommons tout de même Ponchon, pour lequel Gary nourri un penchant. Un poète, mort depuis si longtemps que les vers ont définitivement gagné. Raoul Ponchon donc, qu’exhume Rémo Gary. Gary a raison. Gary lui a trouvé agréable Compagnie : Jules Jouy, Jacques Bertin, Michèle Bernard, Victor Hugo, Richard Desjardins,  Théodore de Banville, Gaston Couté, Robert Desnos, Allain Leprest, Jean Richepin et d’autres encore. Et pas une chanson de Rémo Gary, pas une seule. L’auteur interprète cette fois-ci s’est fait discret : il rend hommage et déroule le tapis de ses révérences, de ses références. Il n’est modestement qu’interprète, au service de, dont les choix éclairent sa propre œuvre, l’anticipent et la prolongent.

Il est important, je crois, de connaître Rémo Gary, de savoir ce qu’il chante. Et pourquoi il chante. Il est important de soi-même cheminer dans cette réflexion qui est la sienne et tout autant la nôtre. A quoi sert cette chanson que nous aimons, que nous servons. Cette parenthèse de Gary est bien venue. C’est un bien bel album, un bien beau livre que voici. A nouveau sans attaches, autoproduit, autodistribué. A nous de l’acheter, de le faire connaître, de le populariser. A nous de dire, mais pas dans le désert, que Gary est un de nos plus beaux fleurons de la chanson. Un fleuron, un fleuret à fine lame qui chante et fleure le bon sens. Au risque d’une collusion, je viens de regarder le film qu’a consacré Jacques Bertin à Jean Dufour (Un ouvrier dans la coulisse, sur lequel nous reviendrons d’ici peu). Dufour et Bertin y parlent abondamment de l’éducation populaire. Et c’est ça qui, justement, définit le mieux Rémo Gary, à l’exact égal de son talent. L’éducation populaire ! L’art de Gary chaque fois pétrit le levain de la connaissance, de l’art, de la culture. De la réflexion. Du politique. De l’intelligence. Et fait des chansons bonnes comme le bon pain. Tiens, c’est ainsi qu’il y a peu j’avais parlé de ce Jean Dufour, qui fut l’agent de Félix Leclerc, de Raymond Devos, de Francis Lemarque et de tant d’autres. Bel entourage lui aussi, que de bons amis, que du Ponchon et Cie

Michel Kemper  nosenchanteurs

C’est une invitation aux voyages chansonnier et poétique, du genre « Pousse la page et viens prendre un vers ! », que propose Rémo Gary à travers cet ouvrage hors norme, ce livre aux feuilles qu’on découpe à l’ancienne*. Une espèce d’auberge espagnole entre clin d’œil à un Ponchon méconnu, prose et rimes d’amis divers, de collègues et de parents, le tout accompagné d’un CD de dix-neuf chansons interprétées par Rémo. Un bel objet culturel à prendre le temps de goûter.

Photo : Claudie Pantchenko  Couteau

En 1983, Rémi Garraud autoproduit un premier 30 cm intitulé Archives. L’humour est déjà là. La poésie aussi. Nécessaires, sinon utiles, pour l’éducateur de rue de la région de Bourg-en-Bresse qui « bascule » vers 1988 dans la chanson et opte pour le pseudo que ses copains lui ont donné par « blague » : Rémo Gary. Après pas mal de pérégrinations scéniques et deux autres enregistrements d’apprentissage, paraît L’Appel du petit large en 1996, date à partir de laquelle il va sortir un album tous les deux-trois ans. En 2007, c’est Même pas foutus d’être heureux, un double CD déjà en forme de livre, moitié sur des textes de Rémo, moitié sur des poèmes de Jean Richepin.

Cinq ans et deux livres-CD plus tard (La lune entre les dents en 2010 et Jeter l’encre en 2011, à l’intention du « jeune public »), Richepin - dont le chanteur possède « trente ou quarante bouquins » - parraine en quelque sorte ici son ami Raoul Ponchon, poète qui a beaucoup chanté le vin, tous deux étant « un peu » présents parmi la quarantaine d’intervenants. En vers de toutes sortes comme en prose un brin plus sérieuse, Rémo Gary ayant convié à plancher sur : « Est-ce que cet objet artistique nommé chanson, peut servir aujourd’hui à un peu d’émancipation ? Et comment ? » Jacques Bertin, Hélène Martin, Dominique Grange, Patrick Piquet, Michel Bühler, Stéphane Hirschi, Floréal Melgar, Francesca Solleville… ont répondu à leur façon.

 Selon qu’on aime lire de la poésie ou qu’on préfère la chanson (l’un n’excluant bien sûr pas l’autre), on préfèrera telle ou telle page, l’ensemble étant forcément inégal, des « vieux » comme le père Hugo se révélant toujours d’une verdeur salvatrice : « La bourgeoisie est un veau / Qui s’enrhume du cerveau ». La chanson de Gavroche, dont ces deux vers sont extraits, fait partie du très dense CD joint, où l’interprète Rémo Gary met toute sa tension naturelle, sa fibre d’artisan de l’urgence, de la rencontre et de l’échange. On y retrouve le V. Maïakovski, poète de Michèle Bernard, le saisissant  Passé ? de Jacques Bertin, l’intemporel Je proteste d’Aragon/Léonardi, le poignant Sur mon cou (Le condamné à mort) de Jean Genet/Hélène Martin, ou, en coup de chapeau final Le sculpteur et le cerisier, d’Allain Leprest/Gérard Pierron. Une intensité encore à l’image de  ce Lomer, du Québécois Richard Desjardins, capté à Lyon en début d’année.

Si la famille Garraud est également présente dans ce livre (Jeanne, Luc, Élise), un auteur m’est particulièrement cher, mon frère Serge Pantchenko (avec lequel j’ai concocté – dans une autre vie – plusieurs dizaines de chansons, et si ça vous amuse, c’est par là) qui s’est joyeusement astreint à « répliquer » aux mains et aux doigts des Pieds de singe de son hôte par une Chanson pour mes pieds :

Rémo Gary à DP - 0’19

Pour fair' son bonhomm' de chemin
On peut pas compter sur ses mains
Un seul organe approprié

Le pied

Si je peux donner mon avis
C’est une base dans la vie
Et tous les rampants nous l’envient

Cet exercice de style en trente-huit strophes s’achevant ainsi :

Qu’on soit chanteur, qu’on soit notaire
On finira six pieds sous terre
Qu'on soit cador, qu'on soit piétaill'
Détail

Et pas besoin d’être savant
Pour savoir quel que soit le vent
Qu’on partira les pieds devant

Depuis, le Toulousain Hervé Suhubiette s’est pris à son tour au jeu et a mis en musique ces couplets... CQTC.

Daniel Pantchenco