Le stylo habile dans une main, la machine à décrire sous l'autre. Il ne lui restait plus qu'à trouver les mots. Ces mots de tous les jours, ces mots arrachés à l'oubli, ces mots agencés comme les pierres d'un château quand tant d'autres ne savent reproduire que les mêmes éternels lotissements. Ce "Petit Matin" là réveillerait un sort. On pourrait donc croire à nouveau aux petits matins rebelles ? Aux mutineries tranquilles mais définitives ? Avec tambour, trombone et piano si joliment accordés, sûr qu'on aimerait oublier tous les "Dimanche à 5 heures" qu'on a laissés derrière soi. Et l'on pensait avoir tout entendu - depuis Gilbert Bécaud ou Marie Zambon - sur les mains "Et le coeur, on l'a sur la main, à moins / Qu'on fasse partie de ces gones / Qui ont mal à la main qui donne / L'amour, ils l'appellent reviens, radins" c'était compter sans son humour tendre ou encore "Quand on la serre en haut du bras / Quand le poing occulte les doigts / Et qu'il met des points sur les I, pardi / C'est le sceptre des prolétaires / La crosse des athées de la terre / Qui veulent inventer de leurs mains, demain"
On ne peut publier hélas que quelques embryons de ces textes qui ravissent tête et coeur dans un identique bonheur. On aimerait disserter sur l'élégance épurée des musiques. Décliner tous les superlatifs pour la mise en chanson d'un incroyable texte "les trois matelots de Groix" de Jean Richepin (auteur des oiseux de passage chantés par Brassens). Au delà de l'exploit - quelques 20 minutes de poésie - il y a la "mise en bouche", "interprétation". Quel panache ! Ce CD est à la chanson ce que Santorin est aux Îles grecques : une découverte d'une rare beauté.
Christine GEORGET