L’an passé, NosEnchanteurs avait fait raisonnable polémique (ce qui, bien sûr, ne nous ressemble pas) en publiant, après Barjac, le « discours » de Rémo Gary sur la scène du festival Chansons de parole. Comme une sorte de tribune politique où le chanteur burgien assénait quelques bonnes vérités et sévérités…
Dans la même veine, voici qu’il sort un livre, recueil in extenso de ses lettres au titre générique de Petit journal, pdf adressés chaque début de saison, depuis septembre 2007, à ses amis et abonnés.
Petit journal, comme le carnet de bord d’un artiste et militant. Carnet qui consigne sept ans d’écrits, de réflexions, d’avancées, d’indignations. Rémo Gary est un partageux qui n’hésite pas à vous offrir la primeur d’un nouveau texte, une piste de travail, de réflexion, un appel à bouger aussi. Et des éléments tirés de l’Histoire, qu’ils soient des textes de chansons ou des rappels historiques, tous utiles pour mieux comprendre cette actualité immédiate que Rémo Gary commente tout au long de ses livraisons trimestrielles.
S’il en est qui ne voient en lui qu’un esthète, qui chante bien, qui pose bien ses vers sur les courbes du corps féminin, osant des mots précieux et rares tirés de dictionnaires alambiqués, mais se cachent volontiers sa part pourtant évidente d’engagement politique, ce recueil les réveillera. Gary n’est pas chanteur que pour faire de belle rimes : s’il est artiste c’est pour prendre la parole, pour tenter, un peu – il aimerait bien beaucoup, beaucoup plus – de faire bouger les lignes, de changer le monde, de congédier l’actuel personnel politique, de tout refaire sur des bases solidaires, généreuses d’une vraie gauche. Bien sûr que ces Petit journal nous parle de l’artiste qu’il est. Mais surtout de l’homme, de l’indigné, de ce digne héritier des Communards et des Canuts. Si on apprécie l’œuvre de Rémo Gary, si on la comprend, alors ce livre en est l’indispensable pendant, comme deux cerises bien rouges à une oreille. « Quand nous chanterons / Le temps des cerises… »
2007-2015, ça fait tout un quinquennat, teinté de noir, teinté de brun, bling-bling, violent et destructeur. Et un bon bout d’un autre, pas tout à fait rose, ça se saurait, tromperie sur l’étiquette. On peut voir ça comme source d’inspiration (on pourrait s’en passer), Gary le voit comme une colère de moins en moins sourde qui monte, qui monte. Son petit journal est aussi sûrement truffé de manifs que de chansons, de corps qui s’enchaînent aux grilles des préfectures, d’autres qui s’époumonent à gueuler contre l’arbitraire, contre les pouvoirs. Les socialistes aux affaires ont les même tailleurs, les même chausseurs, les mêmes fournisseurs que les ripoublicains et les combats sont les mêmes, toujours recommencés. Ce livre, c’est ça. Cogitations, actions et, au hasard des livraisons à chaque saison, l’état d’un spectacle à venir, d’un album en cours d’écriture. Ce n’est pas pour autant la bible du fan, surtout pas : Gary est athée.
Faut-il dire que ce livre est précieux ? Il n’est pas dit, il n’est pas sûr, que Rémo Gary enregistrera un jour un autre album : j’ai cru comprendre que de toujours prêcher des convertis ne le satisfait pas plus que ça. Plus sûrement il sera en d’autres manifs. Contre Valls puis contre ses successeurs, au retour du nabot ou pire encore. « Les chansons n’y seront pas pour grand-chose, mais chantons ! » Michel Kemper